Former des réfugiés : de l’enthousiasme pour pallier à l’arriéré d’apprentissage

Par Peter Van Dyck  - 10 septembre 2018 à 07:09 

Des peintres industriels, des techniciens télécoms qui interviennent au sommet des pylônes ou d’autres qui entretiennent des éoliennes ? La demande pour ce genre d’emplois augmente constamment, alors que les candidats se font rares. L’organisation Rising You prépare aujourd’hui de jeunes réfugiés à ces métiers physiquement exigeants. Leur motivation énorme représente un atout majeur.

Une première constatation : la terrible pénurie sur le marché du travail. Et une deuxième : à Bruxelles, quatre réfugiés sur cinq sont au chômage. Benjamin Gérard, de l’organisation Nature (qui, via des camps d’aventure, renforce les compétences (sociales) et la confiance en soi de jeunes) a trouvé une idée pour résoudre ces deux problèmes de front : former des réfugiés au travail en altitude.

Benjamin Gérard a établi un premier contact avec de jeunes réfugiés il y a huit ans. Malgré leurs traumatismes (guerre, abus, exploitation économique), ceux-ci front preuve d’une résilience, d’une motivation et d’une indépendance peu communes. Il constate aussi que ces jeunes gens sont souvent des poids légers bien musclés. C’est ainsi que Rising You a vu le jour. Sa vocation : mettre en œuvre les talents de ces réfugiés et les guider vers des emplois stimulants, adaptés à leurs qualités. La création d’un club d’escalade à Bruxelles en septembre 2015 a été une étape importante. Il accueille des réfugiés dès l’âge de 12 ans. Ils y développent leurs compétences de manière très informelle (aptitudes linguistiques, relations sociales, attention à la sécurité, etc.).

Une grande responsabilité

Ceux qui le désirent passent du club d’escalade au centre de formation. La Rising You Academy se fonde toujours sur des postes vacants. Elle examine les compétences requises pour les emplois, en étroite collaboration avec les entreprises qui s’intéressent au groupe-cible. Ceci permet d’établir un profil du candidat et le programme de formation requis. Les entreprises participent activement à la sélection. Les candidats sont d’ailleurs invités à une journée de sélection, où un test d’escalade les attend. L’attention se porte aussi sur la sécurité, l’attitude d’apprentissage et la capacité à travailler en équipe.

Les centres de formation du VDAB apportent les compétences techniques que requièrent les métiers spécifiques en question : des techniques de peinture industrielle ou d’assemblage, par exemple. À la fin du processus d’apprentissage, les candidats effectuent un stage au sein de l’entreprise. Rising You reste en stand-by pour guider les réfugiés jusqu’à leur première année d’emploi. « Nos instructeurs doivent être à l’écoute et veiller à préserver la motivation », dit Benjamin Gérard. « Certains de ces jeunes réfugiés portent une lourde responsabilité économique envers la famille qu’ils ont laissée derrière eux. Les familles et même des communautés villageoises économisent de l’argent pour assurer le voyage du plus fort d’entre eux. Ces garçons sont supposés renvoyer de l’argent dans leur pays d’origine. Il y a dès lors beaucoup de pression sur leurs épaules. Certains menacent de sombrer, en raison du stress. »

Trouver sa place dans la société

En tout état de cause, l’énorme dynamisme des jeunes réfugiés constitue un atout majeur. « Nous nous concentrons plutôt sur les personnes peu qualifiées », explique Benjamin Gérard. « Il y a parmi elles des bergers afghans, par exemple, qui ont à peine fréquenté l’école pendant quelques années, à cause de la guerre. Malgré cela, nous affichons un taux de réussite de 100 %. Personne ne décroche ; tous ont la volonté de réussir, malgré l’arriéré d’apprentissage. »

« La motivation est le critère clé au cours du processus de sélection, de même qu’une connaissance de base du néerlandais, du français ou de l’anglais. Nous pouvons leur enseigner tout le reste », déclare Lotte Clijsters, partenaire RH du groupe Iris. L’entreprise recherche pour Iris Anticorrosion des peintres industriels qui grimpent jusqu’à 150 mètres pour appliquer un traitement anticorrosion aux pylônes à haute tension. Les gens qui acceptent un travail aussi exigeant physiquement sont rares. Dès lors, The Shift (une organisation qui promeut une coopération durable entre les secteurs marchand et non-marchand) a mis Iris en contact avec Rising You, dans le but de recruter des réfugiés.

Cadre déficient

Les douze réfugiés qui ont entamé leur formation pour un premier projet Iris ont tous, dans l’intervalle, un contrat à durée indéterminée. Lotte Clijsters s’en réjouit. « Les superviseurs sont venus nous dire à quel point ces jeunes gens sont impatients d’apprendre. Quel beau moment pour nous. Il existe tellement de préjugés à l’égard des réfugiés. Ceux qui travaillent chez nous font tout leur possible pour s’intégrer. Je me souviens d’avoir demandé à l’un d’eux : ‘How are you doing?’ Sa réponse ne se fit pas attendre : ‘Nederlands spreken, aub’. »

Un seul point noir, malheureusement : le cadre légal actuel pour l’emploi des réfugiés. Lotte Clijsters : « Je comprends que le gouvernement prenne des mesures de protection pour prévenir les abus, mais elles constituent souvent un obstacle. Lorsque les réfugiés en centre d’asile reçoivent un salaire, ils doivent renoncer à 70 % de ce montant et doivent avoir trouvé un autre lieu de résidence dans les trois mois de leur entrée en fonction. Mais avec si peu d’argent, comment payer la garantie locative d’une habitation ? Nous trouvons souvent un terrain d’entente, mais au prix de quels efforts ! »

 

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