Des aides et prêts bruxellois qui font débat

Par Julien Semninckx  - 13 juillet 2021 à 08:07 

Tetra, Oxygen, Prêt sur le loyer commercial. La Région bruxelloise a récemment pris de nouvelles mesures pour aider ses entreprises et commerçants impactés par le Covid. Détails sur ces primes et prêts qui ne font pas forcément l’unanimité…

Cela fait plus d’un an que notre économie est lourdement affectée par les mesures liées à la crise Covid. La Région bruxelloise a lancé de nouvelles mesures pour soutenir son activité économique et plus particulièrement les secteurs les plus impactés. 

La prime Tetra

Cette prime régionale bruxelloise est disponible depuis le 19 avril. Elle se destine aux discothèques, restaurants et cafés, ainsi qu’à l’événementiel, la culture, le tourisme et le sport. Elle est attribuée par unité d’établissement située sur le territoire bruxellois (formulaire à remplir sur le site web de Bruxelles Economie Emploi).

Pour en bénéficier, il faut notamment un chiffre d’affaires supérieur à 25.000 euros (en 2019) et une perte du chiffre d’affaires d’au moins 40%. Cette prime varie de 6.250 à 45.000 euros selon le nombre d’équivalents temps plein (ETP) occupés. Sauf pour les discothèques, dont le montant de la prime est plus élevé (de 75.000 à 125.000 euros) et l’hébergement touristique (montants pas encore déterminés).

Le prêt Oxygen

Lancé en février, le prêt Oxygen se destine aux entreprises bruxelloises touchées par la crise Covid ayant des problèmes de trésorerie. D’un montant de 10.000 à 100.000 €, avec un taux d’intérêt de 1,75%, il vise à la reconstitution de fonds de roulement, à l’acquisition de stocks, à des investissements, ou encore à des paiements d’arriérés (notamment vers les fournisseurs). La durée maximum du prêt est de 7 ans. La demande doit être envoyée par mail afin de recevoir ensuite un lien vers le formulaire à compléter (qui demande notamment une situation comptable arrêtée fin 2020).

Prêt sur le loyer commercial

Début d’année, la Région a lancé un ‘Prêt sur le loyer commercial’. Il s’adresse aux entreprises qui louent un immeuble de commerce situé dans l’une des 19 communes bruxelloises. Il porte sur maximum quatre mois de loyer par immeuble, avec un montant plafonné à 35.000 euros. Son taux d’intérêt annuel est de 2%. Il nécessite le concours du bailleur qui doit être prêt à abandonner au moins un mois de loyer. En échange de cette suspension locative (qui peut aller de 1 à 4 mois) accordée par le bailleur, ce dernier aura la garantie d’avoir de 1 à 4 mois de loyers couverts par le prêt régional. Les modalités de demande requièrent de compléter et faire signer par les deux parties un contrat spécifique à télécharger en y joignant quelques annexes. ‘Bruxelles Economie et Emploi’ réceptionne les demandes pour le 30 juin 2021 au plus tard.

Règle des ETP contestée

Mais ces soutiens ne font guère l’unanimité. « Avec un nom comme Tetra, on s’attendait à quelque chose de supersonique, d’extraordinaire, mais c’est loin d’être le cas », plaisante Carl de Moncharline, ambassadeur du monde de la nuit. « Cette prime ne tient pas compte des situations personnelles. Certains sont propriétaires, d’autres louent leurs murs 1.000 ou 15.000 euros par mois. Il aurait fallu une solution globale simpliste, basée par exemple sur le chiffre d’affaires. Cette règle des équivalents temps plein (ETP) est absurde. Personnellement, je tiens un bar de nuit qui n’ouvre que trois jours par semaine. Et donc, forcément, je n’emploie pas beaucoup de temps plein. Lors du 1er confinement, qui a duré 3 mois, les établissements occupant moins de 5 ETP ont touché 7.000 euros de la Région, soit 2.300 euros par mois. Pour ce 2e confinement, d’au moins huit mois, nous ne serons indemnisés que de 10.500 € : soit 1312,5 € par mois de fermeture. Ce n’est le loyer de presqu’aucune des 7.000 structures d’établissement Horeca encore en vie en Région bruxelloise. »

Du côté du cabinet Trachte, on rétorque que cette aide a longuement été négociée avec le secteur. Carl de Moncharline ne le conteste pas. « Les fédérations Horeca ont négocié pour leurs gros contributeurs, des groupes qui vont toucher un plus gros pactole et qui sont à l’aise. Cette prime est organisée pour soutenir les plus riches : pas l’ensemble, la majorité des petits commerçants et structures bruxelloises. »

Imbroglios administratifs  

Francesco Ravo tient quatre établissements branchés (La Pharmacie anglaise, Arthur Orlans…) dans Bruxelles. Il peste également sur les mesures bruxelloises. « Pour bénéficier du Prêt sur le loyer commercial, j’ai consacré énormément de temps à convaincre chacun de mes propriétaires pour parvenir à un accord avec eux et remplir des tonnes de formulaires. Mais j’ai eu un retour surprenant de la Région. En tout petit, perdu entre les lignes, il est signalé que le prêt n’était que de 35.000 euros par société et non par établissement. Et donc, que j’avais à faire un choix à faire parmi mes propriétaires. C’est incohérent. Ils m’ont dit qu’ils allaient peut-être modifier cette disposition, mais j’attends toujours ! En outre, calculer la prime Tetra sur les ETP, c’est stupide. Non seulement, ils n’influent pas sur le loyer, mais leur charge n’intervient pas puisqu’il a fallu les inscrire en chômage temporaire pour force majeure ».

Et de râler également sur le prêt Oxygen. « Comme son nom le laisse supposer, c’est pour donner de l’oxygène aux entrepreneurs. Ben non ! Ici aussi, j’ai passé un temps fou à remplir tous les documents pour me voir refuser le montant demandé. Et cela, parce que mon endettement est trop important. Je n’avais pas besoin d’eux pour le savoir. Il me faut maintenant réintroduire un dossier mais en demandant un montant moindre. Mais pourquoi ne disent-ils pas directement le montant qu’ils sont prêt à accorder ? En plus, ils me connaissent, notamment au travers de prêts ‘Fonds de garantie’. Cela fait des années que j’ai toujours honoré mes crédits chez eux. »

Et de soupirer. « En Flandre, on n’entend pas les indépendants se plaindre. Ils sont bien mieux soutenus avec des aides bien plus faciles basées simplement sur les chiffres d’affaires. Je n’ai pas voulu cet endettement, aucun patron ne l’a voulu. Qu’ils fassent bien attention à ne pas nous oublier car on est de gros pourvoyeurs d’emplois pour du personnel non-qualifié à Bruxelles. »

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