Perspectives économiques pour l’économie bruxelloise en 2018

Par Ophélie Delarouzée  - 26 janvier 2018 à 15:01 

©Thinkstock

Les perspectives économiques sur les cinq prochaines années sont assez favorables à l’économie bruxelloise. Regards croisés sur sa santé relative au niveau national avec Pierre-François Michiels, expert Emploi et Économie à l’Institut Bruxellois de Statistique et d’Analyse (IBSA), et Benoît Bayenet, professeur de politique économique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

 

La fin du boom démographique

Population : + 0,6 % en 2016-2040

(Croissance annuelle moyenne de la population)
 2000-20162016-20402040-2060
Région de Bruxelles-Capitale1,3 %0,6 %0,5 %
Région flamande0,5 %0,5 %0,2 %
Région wallonne0,5 %0,5 %0,2 %
(Source : Perspectives démographiques 2016-2060, BFP-DGS)

 

Le boom démographique, qui a fait tant parler de lui à Bruxelles ces 15 dernières années, prend fin. Si le rythme de croissance de la population bruxelloise sera moins soutenu à l’avenir, il restera cependant relativement plus élevé que dans les deux autres Régions.

Ce boom n’est pas étranger au rôle de capitale européenne de Bruxelles. Entre 2005 et 2016, le nombre de ressortissants européens en Région bruxelloise a augmenté de 72 % alors que l’ensemble de la population résidant à Bruxelles a progressé de 18 %. Sur 10 Bruxellois n’ayant pas la nationalité belge (plus de 414.000 au 1er janvier 2017), près de 7 sont ressortissants de l’UE (275.000). Les Français (63.000) caracolent en tête devant les Roumains (38.700 personnes).

Bruxelles est plus jeune et, contrairement aux deux autres régions, rajeunit en termes d’âge moyen. À l’horizon 2021, les naissances deviendraient le premier moteur de la croissance de la population. Elles prendraient le pas sur les migrations internationales, qui resteraient soutenues mais stables. Les départs interrégionaux pour la Flandre et la Wallonie, toujours plus nombreux que les arrivées à Bruxelles, continueraient à ralentir l’accroissement global.

 

Le redressement de la croissance

Croissance : 1,3% en 2019-2022

(Croissance du PIB en volume, taux moyen par année)
 2002-20082009-20152016-20182019-2022
Belgique2,10,81,51,5
Région de Bruxelles-Capitale1,60,11,11,3
Région flamande2,31,21,71,6
Région wallonne2,10,31,31,3
( Source : BFP, IBSA, IWEPS, SVR-DKB – HERMREG)

 

Dans un contexte général de reprise, la croissance de l’activité économique à Bruxelles devrait se redresser nettement en 2018 (+1,4 %). « La croissance à Bruxelles reste cependant moins soutenue que dans les deux autres régions », remarque Pierre-François Michiels. « En période de relance, ce sont généralement les industries qui redémarrent en premier lieu et qui alimentent la croissance via les exportations. Bruxelles, dont la structure d’activité est plus orientée vers les services, profite donc moins de la reprise actuelle. »

Les taux de croissance du PIB reste cependant inférieur à ceux d’avant crise. « Diverses études montrent qu’il existe encore de nombreuses incertitudes sur les marchés financiers et qu’on pourrait avoir un revers de la politique monétaire ultra-accommodante mise en œuvre », pondère Benoît Bayenet. « Il n’est pas certain qu’on soit à l’abri d’une nouvelle crise, mais ce qui est à-peu-près sûr, c’est que le modèle économique est en train d’évoluer. Certains économistes parlent de stagnation séculaire, c’est-à-dire que les taux de croissance resteraient relativement faibles par rapport aux 2, 3, voire 4 % qu’on a pu connaître à certaines périodes.. Le modèle économique devra aussi être moins consommateur d’énergie et de matières premières et se tourner vers un modèle dit d’économie circulaire. »

Les perspectives économiques sur le marché du travail

Revenus : +0,7% en 2016-2022

(Revenu disponible par tête, taux moyen  par année)
Montant

en euros, prix courant

Taux de croissance réelle

Moyennes

2006201420222002-20082009-20152016-2022
Région de Bruxelles-Cap.16.01916.90620.018-0,4-1,50,7
Région flamande17.73019.86823.8560,4-0,70,9
Région wallonne15.16117.07320.3980,2-0,50,8
(Source : BFP, IBSA, IWEPS, SVR-DKB-HERMREG)

 

Si le PIB par habitant de Bruxelles (205 %), exprimé en standards de pouvoir d’achat, était en 2015 le 4e pour 276 régions comparées à la moyenne de l’UE, derrière Inner London-West (580 %), le Grand-Duché de Luxembourg (264 %) et Hambourg (206 %), cette mesure hybride n’est pas représentative du niveau de revenu de la population bruxelloise. « Les navetteurs qui viennent faire tourner la machine économique bruxelloise repartent avec leurs revenus dans leurs régions de résidence », explique Benoît Bayenet. « C’est d’abord le propre de toutes les grandes villes et capitales. On est de plus sur un secteur tertiaire à très haute valeur ajoutée qui demande des compétences très spécifiques, et Bruxelles compte un chômage important chez les jeunes qui ont peu de qualifications ».

Pierre-François Michiels ajoute que « si un emploi sur 2 est occupé par un travailleur flamand ou wallon, on a ces dernières années une augmentation de la part des Bruxellois dans l’emploi intérieur. Cette évolution devrait se confirmer dans les années à venir ». En 2016-2022, la croissance de la « population en emploi » serait plus dynamique à Bruxelles (1,4 % par an) qu’en Flandre (0,9 %) et en Wallonie (0,8 %). « Depuis le milieu des années 1980, le revenu disponible par tête progresse moins vite à Bruxelles qu’en Flandre et en Wallonie », continue M. Michiels. « La position relative de la Région bruxelloise s’est donc fortement dégradée. Ces dernières années, on observe cependant une certaine stabilisation. Cette tendance devrait se confirmer selon les projections. Le ralentissement de la croissance de la population par rapport à la décennie précédente pénalise moins Bruxelles que par le passé. »

Emploi : chute du chômage annoncée à 14,5 % en 2022

(Taux de chômage, en pourcentage)
20162017201820192022
Belgique11,210,510,09,88,2
Région de Bruxelles-Capitale18,417,416,516,214,5
Région flamande7,87,36,96,85,1
Région wallonne15,114,313,813,511,9
(Source : BFP, IBSA, IWEPS, SVR-DKB-HERMREG)

 

Entre 2016 et 2022, le chômage baisse plus fortement à Bruxelles, mais reste plus important que dans les autres régions. « Historiquement, on disait qu’il fallait un taux de croissance de 3 % pour que le taux de chômage baisse. On voit aujourd’hui qu’il y a une corrélation moins forte entre le taux de croissance et la baisse de chômage ou la création d’emplois », observe Benoît Bayenet. « C’est positif au niveau quantitatif. La question se pose de la qualité des emplois qui se cachent derrière, notamment sur la part des emplois à temps partiel. »

Sur la période 2016-2022, les créations nettes d’emploi s’élèveraient en moyenne à 30.100 unités par an en Flandre, 10.700 en Wallonie et 5.100 à Bruxelles. « La croissance de l’emploi est somme toute plutôt robuste », estime Pierre-François Michiels. « Cette hausse est notamment soutenue par les récentes mesures qui ont visé à maîtriser les coûts du travail et des réductions de cotisations sont encore prévues dans les années à venir. »

Bruxelles se démarque toujours en matière de croissance de l’emploi indépendant, avec en moyenne 1,6 % par an sur 2016-2022, contre 1,2 % en Flandre et 0,8 % en Wallonie. La vitalité de ces dernières années dans le secteur de la construction est notamment à lier à l’arrivée des travailleurs des pays de l’est. La croissance de l’emploi salarié au cours de la période 2016-2022 devrait s’établir à 0,6 % par an à Bruxelles, contre 1,1 % en Flandre et 0,9 % en Wallonie. M. Michiels souligne ici que « par le passé, le secteur public a largement contribué à la création d’emplois, mais les mesures de limitation des effectifs de ces dernières années impactent plus fortement la capitale administrative ».

Valeur ajoutée

Valeur ajoutée : 0,5 pp pour les « autres services marchands » en 2016-2022

Contribution des branches d’activité à la croissance de la valeur ajoutée en points de pourcentage en Région de Bruxelles-Capitale (taux moyen  par année)
2002-20082009-20152016-2022
Crédit et assurances0,20,10,2
Autres services marchands0,50,30,5
(Source : BFP, IBSA, IWEPS, SVR-DKB-HERMREG)

 

Le secteur tertiaire représente plus de 90 % de l’économie régionale quant à la valeur ajoutée, contre environ 80 % à l’échelle nationale. La branche d’activité des « autres services marchands », qui regroupe un grand nombre de services aux entreprises, est celle qui devrait contribuer le plus en 2016-2022 à la croissance économique de chacune des trois régions (0,6 point de pourcentage (pp) par an en Flandre et 0,5 pp en Wallonie et à Bruxelles). Viendraient ensuite la branche du « crédit et assurances » à Bruxelles et l’industrie manufacturière, tant en Flandre qu’en Wallonie.

« Beaucoup de services sont centralisés à Bruxelles, mais cela ne date pas de la régionalisation », rappelle Benoît Bayenet. « C’est aussi ‘la place financière belge’, et cette concentration d’activités financières et d’assurance est d’ailleurs essentielle au développement économique des autres régions. C’est un secteur aujourd’hui en pleine évolution, qui doit se réinventer et se repositionner par rapport aux évolutions technologiques. Il a subi de nombreuses restructurations et il est soumis à un cadre réglementaire très strict depuis la crise. » Selon Pierre-François Michiels, ce secteur renoue en projection avec une croissance positive de son activité, après plusieurs années difficiles dans le sillage de la crise de 2008.

La contribution de l’industrie manufacturière à la croissance est à l’opposé très faible à Bruxelles. M. Michiels note « un atterrissage par rapport à la décroissance du secteur de ces 2 dernières décennies. On semble atteindre un palier ». Des réflexions ont été lancées par le gouvernement bruxellois pour identifier les secteurs intéressants à redéployer.

 

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