On pensait l’incertitude passagère, elle est devenue chronique. À Bruxelles, cela fait presque un an qu’aucun gouvernement n’a pris le relais. Une éternité pour nos entreprises qui apprennent à faire avec… ou sans.
On a longtemps hésité sur le sujet de cette tribune. Chère communauté, de quoi vous parler ? Onze mois sans gouvernement ? De la politique régionale et locale ? De nos chantiers pour l’économie bruxelloise ? Et puis on s’est dit : non. Parlons plutôt de ce qui flotte dans l’air depuis des mois. De ce qui pèse sans faire de bruit. De cette impression d’avancer dans le brouillard. Bref, parlons d’incertitude.
Parce qu’elle est partout, et parce qu’elle s’est installée sans crier gare. Un an, presque, que les négociations n’avancent pas (ou pas assez vite), et que le politique semble avoir cessé de jouer son rôle. À Bruxelles, les entreprises apprennent à faire sans, dans l’ombre d’un gouvernement incertain.
Tant que les entreprises tiennent, elles avancent
« L’incertitude est omniprésente, elle est devenue une nouvelle norme », résume Lisa Isnard, secrétaire générale de Beci. Face à ce désordre politique et institutionnel, l’entreprise ne clame pas son désespoir, car pour elle, pas de pause possible, pas de « revenez plus tard ». Elle s’organise, produit, recrute, innove, forme, crée de la valeur. Elle fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a.
Oui, nos entreprises sont solides, mais soyons lucides à notre tour : combien de temps pourront-elles encore tenir ainsi ? Comme le clame la présidente de Beci, Annick Hernot, dans son édito : « Gérer l’incertitude ne signifie pas accepter l’inertie. » « Le tissu économique bruxellois fait preuve d’une robustesse admirable », poursuit Lisa Isnard. « Mais il a besoin d’un environnement politique stable et prévisible, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »
Entrepreneuriat : et maintenant, on fait quoi ?
Il ne s’agit pas de se réinventer tous les quatre matins, ni de courir après le changement pour le plaisir de changer. Ce que les entreprises veulent aujourd’hui, c’est un cadre solide, fiable, stable. À défaut de grandes réformes, elles demandent simplement qu’on arrête de compliquer les choses. Qu’on simplifie l’administratif. Qu’on apaise la fiscalité. Qu’on crée un climat propice à l’action. Ni plus, ni moins.
Dans ce paysage incertain, chez Beci, nous croyons en Bruxelles. Les revendications que nous portons sont à l’image des attentes du terrain : concrètes, urgentes, nécessaires. Il faut relancer l’emploi, en particulier chez les jeunes bruxellois et bruxelloises, et viser un taux d’activité à 80%, comme ailleurs en Belgique. Il faut investir dans la mobilité, dans les infrastructures, notamment dans les tunnels, les quais, les transports de surface. Il faut remettre la Région en avant, sortir du Brussels bashing et reconstruire une image qui donne envie.
D’autres chantiers ne peuvent plus attendre : la propreté, le traitement des déchets, la concertation sociale à réorganiser, l’innovation à remettre dans une logique de cohérence stratégique. Et par-dessus tout, un climat entrepreneurial sain, qui permette aux entreprises d’agir, plutôt que de se battre contre des règles absurdes.
Le talent existe à Bruxelles, mais il faut l’écouter
« Bruxelles est une Région d’hommes et de femmes de talents », rappelle la secrétaire générale. « La classe politique doit maintenant leur donner les moyens de réussir. » C’est là tout l’enjeu. Les compétences sont là, les envies aussi. Ce qu’il manque, ce n’est pas la créativité ou l’énergie. C’est un cadre. Des perspectives. Un minimum de clarté.
Non pas que les talents bruxellois attendent qu’on les prenne par la main, ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit. Cependant, ils et elles ont besoin d’un écosystème qui valorise leur action, qui accompagne leurs initiatives, qui les encourage, bref qui les soutient. De plus, pour les faire rester à Bruxelles, il faudra leur offrir plus que de l’incertitude.
Ce dont nous sommes sûrs, c’est que nous ne sommes sûrs de rien
Alors non, l’entreprise n’est pas paralysée par l’incertitude. Elle avance, chaque jour, dans un monde qui change sans prévenir. Elle apprend à composer avec le chaos, sans s’y résigner. Néanmoins, elle ne pourra pas le faire seule indéfiniment. Elle a besoin qu’on la rejoigne. Pas pour lui promettre des lendemains parfaits, mais pour au moins mettre un peu d’ordre dans le présent.
En bref, l’incertitude, on commence bien à la connaitre. Dans les mois à venir, il faudra rapprocher le discours politique des besoins du terrain. Chez Beci, on continuera de porter la voix des entrepreneur·es bruxellois·es et défendre leurs intérêts : pour une simplification des démarches, une organisation sociale à la hauteur, des choix économiques clairs et des engagements environnementaux tenus.
Et puis… rendez-vous dans la prochaine édition, la dernière avant la pause de l’été. Si les choses continuent sur cette lancée, on s’apprêtera à souffler une bougie un peu particulière : celle de l’anniversaire d’un non-gouvernement. Ici, on vous parle d’incertitude, mais si le vide politique nous donne matière à dire, Beci ne s’en privera pas.