La liaison des salaires à l'ancienneté ?

30 novembre 2018 par
BECI Community

L’été dernier, le gouvernement fédéral annonçait la fixation d’un calendrier concret avec les partenaires sociaux, afin d’abandonner la rémunération des salaires en fonction de l’ancienneté. Celle-ci concerne deux employés sur trois en Belgique.

 

Pour

Marie-Noeëlle Vanderhoeven, Premier conseiller à la Fédération des entreprises de Belgique (FEB).

Le problème, à l’heure actuelle, c’est qu’il n’y a aucun lien entre la performance du travailleur et le coût du travail, la productivité des employés n’augmentant pas au même rythme que son salaire. Non pas que son expérience soit sans impact sur sa productivité, mais il y a toujours une période d’adaptation nécessaire, qu’on situe entre 0 et 10 ans, voire plus. Mais à un certain niveau, cela plombe le coût salarial d’une entreprise, ce qui a des effets pervers sur les travailleurs, car cela fait diminuer son attractivité et pousse alors l’employeur à utiliser un jeune travailleur pour un salaire moindre. Puis, pour ces jeunes, ces barèmes sont souvent perçus comme injustes.

Un autre problème, c’est qu’on ne peut pas faire d’augmentation ciblée pour les travailleurs les plus performants. Il y a donc un risque de discrimination et aussi un frein à l’incitation à acquérir ou entretenir des compétences. C’est en fait une matière délicate et un sujet dont on parle depuis des années. C’est donc difficile de passer du jour au lendemain d’un système de salaires liés à l’ancienneté à un autre, car il faut aussi prendre en compte la problématique des droits des travailleurs, et trouver comment faire en sorte que le coût salarial n’augmente pas d’un seul coup. Il y a donc un juste milieu à trouver, mais ça coûtera d’office plus cher, car vous ne pourrez pas diminuer les salaires des plus âgés.

D’ici les élections en mai, cela risque d’être court, car cette matière capitale devrait normalement être traitée par le secteur. Or, si le gouvernement – ou le législateur – vient interférer dans ces discussions, ce sera compliqué à gérer. Changer les mentalités prend du temps et le processus est lent, surtout en Belgique.

À mes yeux, ces barèmes gardent donc un sens pendant une période d’acquisition de compétences, mais le problème majeur reste le coût pour les entreprises et le risque de laisser de côté les travailleurs âgés. Mais un travail se fait néanmoins, et des réflexions sont menées un peu partout.

 

Contre

Nabil Sheikh Hassan, économiste au service d’études de la Centrale nationale des employés (CNE).

D’abord, j’aimerais rappeler qu’on considère que pour chaque fonction exercée, il doit toujours y avoir un salaire égal, même si un travailleur bosse 2 % plus vite qu’un autre. C’est essentiel pour éviter les discriminations et faire face au coût de la vie.

Après, des personnes peuvent exercer, apprendre et progresser à des rythmes différents. Mais certains acquièrent davantage d’expérience à travers leur fonction, non pas pour faire plus vite et mieux, mais pour aider les gens d’une équipe et d’autres corps de métiers. C’est pour ça que cette rémunération à l’expérience existe ! Notre héritage historique fait que l’on ne peut signifier à des jeunes qu’ils gagneraient plus et aux plus âgés qu’ils gagneraient moins. La masse salariale serait de toute façon plus élevée et les travailleurs perdraient de l’argent sur toute leur carrière !

Si les employeurs veulent changer, il faudrait trouver un moyen de payer les employés de la même façon. On peut imaginer un système où l’on verrait les salaires progresser moins, mais il ne faut pas tomber dans un débat sur des économies à réaliser, ce qui est souvent un souci. Une fois qu’on négocie les chiffres, on arrive toujours à la conclusion que les gens devraient changer plus vite de travail. Mais du coup, sans ces barèmes, il y a la contrainte de recommencer à zéro ailleurs.

Enfin, je me méfie de l’agenda « bis » derrière le débat officiel, car le cœur du problème, c’est d’abord ces centaines de milliers chômeurs qu’il y en Belgique, dans une économie n’offrant pas assez d’emplois disponibles. L’idée serait de faire baisser les salaires, mais ceux-ci diminuent déjà chez nous depuis quatre ans ! La question à se poser, c’est comment augmenter les gens pour relancer l’économie et créer des emplois, tout en continuant à mieux reconnaître l’expérience pour favoriser la mobilité dans le monde du travail. Car si l’ancienneté est mieux reconnue et qu’un travailleur a la certitude de poursuivre ailleurs sans perdre d’argent, il bougera plus facilement !

 

 

 

 

 

BECI Community 30 novembre 2018
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