La diversité, garante d’une meilleure cybersécurité

8 mars 2024 par
BECI Community

Le programme de formation intensive en cybersécurité CyberWayFinder est niché au sein de BeCentral. Réservé aux femmes à son lancement, il est aujourd’hui ouvert à tous. Mais l’équilibre des genres au sein de l’auditoire reste une priorité absolue. Rencontre avec Rosanna Kurrer, sa co-fondatrice.
 

Quels ont été les moments décisifs qui vous ont amenée à créer CyberWayFinder ?

Il y a un peu plus de 10 ans, après une longue interruption de carrière, je me suis mise au codage en me formant seule en ligne. Puis j’ai suivi un cursus auprès du Massachusetts Institute of Technology (MIT) afin de devenir moi-même formatrice certifiée pour enseignants. Je me suis alors lancée dans de telles activités dans le cadre du EU CODE Week, de workshops initiés par Google ou Amazon Web Services, ou de journées pédagogiques dans les écoles. Pour être honnête, il s’agissait parfois de volontariat. Mais tout cela m’a permis de développer mon réseau. Jusqu’à une rencontre avec la Chief of Staff de SWIFT.
 

Qu’a-t-elle déclenché ?

SWIFT était à la recherche d’une formation dans le domaine de la cybersécurité. L’idée était de rendre l’équipe dédiée plus diverse, mais aussi d’offrir aux femmes issues des business units une perspective de carrière dans ce domaine, auquel je ne connaissais rien. Effet de la providence, j’ai rencontré au même moment Patrick Wheeler, un coach certifié et expert en la matière. Nous avons monté le programme en étroite collaboration avec les équipes de SWIFT, qui s’est engagée sur 3 ans et m’a permis ainsi de lancer CyberWayFinder. J’en suis toujours très reconnaissante.
 

Pour autant, il ne s’agissait pas d’une formation exclusive…

Nous tenions à ce qu’elle soit ouverte à d’autres. Nous avons été soutenus par un réseau de professionnels en cybersécurité qui se sont engagés à nos côtés pour donner des cours, mais qui ont aussi convaincu d’autres entreprises avec lesquelles ils travaillaient. Nous avons également bénéficié du soutien d’ISC2, l’association mondiale des professionnels en cybersécurité.
 

Quelles sont les compétences requises pour devenir experte en cybersécurité ?

Les connaissances techniques – softwares, réseaux virtuels… – sont une base. Mais le facteur humain est également clé parce que les hackers exploitent avant tout les vulnérabilités humaines. Par ailleurs, les qualités relationnelles, car nous interagissons avec beaucoup de parties prenantes, qu’il faut éduquer et avec lesquelles nous devons communiquer en situations de crise. Il faut aussi connaitre les différents process de l’organisation, sa mission et les menaces auxquelles elle est exposée. 

C’est différent selon qu’il s’agit d’une entreprise privée, publique, ou d’un hôpital. Et puis, il y a les aspects juridiques, qui deviennent de plus en plus importants. Au RGPD (Règlement Général de Protection des Données) se sont ajoutées plusieurs autres réglementations spécifiques. Ces nombreuses exigences amènent les départements à diversifier leurs profils.
 

Dans quels secteurs les diplômées de CyberWayFinder se dirigent-elles ensuite ?

Nous leur enseignons toutes les compétences de base et les accompagnons dans la certification de celles-ci. Beaucoup évoluent ensuite dans le secteur financier, où nous avons développé notre réseau en premier. Outre SWIFT, on les retrouve aujourd’hui chez Euroclear, Mastercard et les grandes banques. Mais nous avons aussi travaillé avec Proximus, Engie ainsi que la Commission européenne. Deloitte, EY, PwC Luxembourg, Grant Thornton, KPMG ou les pouvoirs publics ont également engagé plusieurs de nos diplômé.e.s. Plusieurs femmes sont ainsi devenues Chief Information Security Officers.
 

Quels sont les conditions d’accès à votre académie ?

Notre processus d’admission consiste en 4 étapes. Nous testons l’aptitude à assimiler des compétences techniques mais regardons aussi le CV. Qui a déjà une expérience du droit ou de l’audit dispose d’atouts. Même un parcours en marketing peut être utile pour les aspects communicationnels. Notre examen d’entrée est assez exigeant. Il s’agit de mesurer la motivation des participant.e.s afin de minimiser le taux d’abandon. Celles ou ceux qui disposent déjà d’un baccalauréat ou d’un master éprouveront sans doute plus de facilités à suivre le cursus, mais celui-ci reste accessible aux autres, s’ils sont réellement engagé.e.s.
 

Pourquoi avoir ouvert le programme aux hommes ?

Certains hommes nous suivaient depuis longtemps et souhaitaient intégrer le programme. Nous leur avons ouvert l’accès pendant la crise du COVID, puis l’avons maintenu. Nous souhaitons maintenir un ratio d’hommes de maximum 50 %, mais cela nécessite beaucoup d’efforts de notre part. Il y a moins de femmes avec un background IT. Or beaucoup pensent, à tort, que celui-ci est indispensable pour faire de la cybersécurité. Nous devons convaincre des candidates qu’elles peuvent y arriver, même sans ce bagage préalable.
 

Pourquoi cette sous-représentation des femmes dans les filières IT et d’ingéniorat ?

Chez les hommes comme chez les femmes, il reste des biais inconscients. Dans beaucoup de familles, on dira encore à une fille intelligente d’étudier les langues ou le latin et à un garçon intelligent les maths ou les sciences. La composition des classes est alors déséquilibrée et il peut être intimidant, voire démotivant, pour les filles d’être ainsi en très grande minorité. Il faut alors faire deux fois plus d’efforts pour y arriver. De plus, dans un auditoire où les femmes sont à moins de 40 %, la tendance est de les percevoir uniquement comme des représentantes symboliques de leur genre et pas comme des individualités propres.
 

Quel est l’enjeu ?

Cela va forcément réduire les échanges et les rétrécir les approches. L’absence de diversité rend les équipes IT moins performantes.

 

En chiffres

200 personnes formées par CyberWayFinder à ce jour

6 mois : la durée de la formation (en soirée et week-ends)

19 % : la part de femmes dans les étudiants IT dans l’UE en 2020

« Dans beaucoup de familles, on dira encore à une fille intelligente d’étudier les langues ou le latin et à un garçon intelligent les maths ou les sciences. »

 

BECI Community 8 mars 2024
Partager cet article
TAGS 
Archiver