Les marchés publics vus par les PME

29 octobre 2019 par
BECI Community

Procédures, accès au marché, opportunités, difficultés, aides utiles ? Que pensent les PME des marchés publics ? Nous sommes allés à la rencontre de trois d’entre elles.  

Marcel van Meesche, directeur du bureau d’étude 21solutions, répond à des marchés publics depuis 20 ans.

« Les marchés publics sont très importants pour nous ; ils représentent 75 à 80 % de notre chiffre d’affaires. » François Macq, administrateur délégué de Macq Electronics, poursuit : « Les marchés publics sont aussi assez importants pour nous : nous en décrochons plusieurs chaque année. Beaucoup de gens pensent que les grosses entreprises ont plus de chance de décrocher des marchés publics que les PME, mais pour moi, les petites entreprises ont aussi leur place. Notre structure légère nous permet notamment d’être beaucoup plus souples et réactifs là où de grosses sociétés doivent parfois attendre longtemps des accords de leurs hiérarchies. »

À la tête d’Ecores, une société de consultance stratégique en développement durable, Cordelia Orfinger confirme : les trois quarts du chiffre d’affaire de sa société sont issus des marchés publics, dont une grosse partie en procédures négociées. « Pour nous, l’accès aux marchés publics passe essentiellement par le contact. Nous nous faisons connaître auprès des différentes administrations afin d’être sur les listes des entreprises qui vont être sollicitées. Le relationnel est très important. » 

 

Lourdeur et complexité 

Malgré ses nombreuses années d’expérience, Marcel van Meesche le reconnaît : la procédure des marchés publics et surtout la charge de travail ne sont pas toujours évidentes à gérer.

« Au niveau de la procédure, nous sommes plutôt bien rodés. Par contre, en fonction de la taille du marché, la charge administrative est parfois très lourde. Dans le cadre d’une procédure ouverte, par exemple, on arrive vite à des dossiers de 100 à 150 pages. Cela nous prend du temps sans jamais avoir la certitude que nos efforts seront payants », explique-t-il.

« Par ailleurs, les exigences en matière de compétences sont de plus en plus élevées. Il n’est pas rare que nous devions mettre 3 ou 4 profils différents autour de la table, voire nous associer avec d’autres partenaires. C’est la même chose pour les seuils de références qui sont de plus en plus élevés. » 

Au-delà de la lourdeur administrative, François Macq souligne que le temps nécessaire pour répondre correctement à un marché public peut aussi représenter une difficulté. « Pour certains marchés, on a tout le temps de monter notre dossier à notre aise. Mais pour d’autres, les délais sont parfois très courts ou lancés à des périodes où l’on a moins de personnel, comme les grandes vacances ou la période des fêtes. Anticiper est donc primordial. »  

Pour la directrice d’Ecores, la difficulté se situe plutôt dans la relation entre le pouvoir public et le prestataire.

« Depuis 3-4 ans, nous sommes de plus en plus souvent confrontés à des marchés ‘stock’ (et non plus des marchés forfaitaires) où l’on s’engage à prester un service, mais sans savoir quand ni dans quelle quantité. Cela implique, d’une part, une grosse incertitude quant aux revenus, mais aussi, d’autre part, de devoir parfois mobiliser rapidement nos équipes pour faire face à des pics de travail. C’est une culture du marché public qui est en train de se mettre en place, où le prestataire devient vraiment un exécutant ‘tampon’, taillable et corvéable à merci. On a longtemps dit que l’un des avantages des marchés publics était la certitude d’être payés, mais avec ces marchés stock, ce n’est plus du tout le cas. »

Pour elle, un autre enjeu des marchés publics est de comprendre la réalité financière des entreprises en leur permettant, par exemple, de recevoir des avances ou de prévoir des tranches de paiement plus régulières. « Par ailleurs nous sommes parfois mis en concurrence avec des structures non assujetties à la TVA. Le prix étant souvent l’élément clé dans l’attribution du marché, nous partons presque perdants avec nos 21 % de TVA en plus. » 

 

Des améliorations sont encore possibles 

À la question « qu’est-ce qui pourrait vous aider à accéder aux marchés publics ? », les idées fusent. Marcel van Meesche souligne par exemple les divergences d’exigences existant entre les différentes administrations publiques. Il souhaiterait que ce qui est demandé aux entreprises par les pouvoirs adjudicateurs soit uniformisé.

« Nous avons toutefois beaucoup apprécié que de nombreux pouvoirs adjudicateurs vérifient désormais eux-mêmes la conformité des entreprises aux critères d’exclusion. La charge de la preuve n’est plus de notre ressort. » Autre point positif pour lui : « Les cahiers des charges sont harmonisés au niveau de leur structure, ce qui rend la lecture beaucoup plus simple et réduit le risque d’oubli. »

Cordelia Orfinger constate toutefois que certains cahiers des charges sont déconnectés de la réalité du terrain. « Aussi, nous plaidons pour plus d’échanges entre les administrations et les prestataires éventuels avant la publication du cahier des charges, notamment dans le cadre des procédures négociées où c’est totalement prévu par la loi. » 

Nos trois experts sont aussi d’accord sur une chose : il faut investir davantage dans la formation et l’information. « Il existe déjà des tas de choses, mais qui ne sont pas centralisées », explique Marcel van Meesche. Et François Macq d’ajouter : « Il faudrait mettre à disposition des entrepreneurs des guides pratico-pratiques sur les erreurs à ne pas commettre, les pièges à éviter, les bonnes pratiques, et aussi encourager les jeunes sociétés au travers de succès stories par exemple. » 

 

Lancez-vous ! 

Malgré les difficultés, nos trois entrepreneurs sont unanimes : se lancer dans les marchés publics vaut la peine, car ils offrent un potentiel de travail et de revenus important. Puis, plus on a l’habitude de répondre à des marchés publics, moins cela semble complexe.

Pour Marcel van Meesche, accéder à ces marchés quand on est une PME demande une bonne coordination et beaucoup d’anticipation. « Récemment, nous avons revu nos procédures internes. Désormais, nous demandons par exemple systématiquement des attestations de bonne exécution à nos clients pour éviter de devoir les recontacter par la suite. Être rigoureux permet de gagner beaucoup de temps », explique-t-il. 

François Macq, de son côté, conseille aux entrepreneurs qui voudraient se lancer d’être proactifs. « Quand on veut répondre à un marché public, il y a deux façons de fonctionner : soit on attend que les marchés sortent pour remettre une offre, soit on se renseigne en amont sur les projets en cours au sein des administrations. C’est ce que nous faisons depuis plusieurs années et ça marche ! Être au courant permet d’être dans la course dès le début. Cela nous permet de mieux nous préparer en trouvant par exemple déjà des solutions, des partenaires, des produits qui pourraient répondre aux attentes du pouvoir adjudicateur. Et quand le cahier des charges sort, nous sommes quasiment déjà prêts. Plus on s’intéresse tôt à un marché, plus les chances de le décrocher augmentent. »

Autre conseil : ne pas hésiter à faire appel à sa fédération sectorielle, notamment pour tout ce qui touche à la classification de marchés. 

« Pour une société qui se lance, obtenir des références de missions n’est pas forcément évident », ajoute Cordelia Orfinger. « Dans ce cadre, envisager des partenariats peut être une bonne solution pour débuter. Cela permet de se vendre avec l’expertise d’un bureau plus expérimenté ou complémentaire. » Par ailleurs, pour elle, remettre l’humain au cœur d’une procédure qui est très rigide et administrative est primordial. « Quand on reçoit un cahier des charges, la base est de prendre contact avec le client pour bien cerner sa demande. C’est quelque chose que nous faisons systématiquement et qui donne vraiment de bons résultats », conclut-elle. 

 

BECI Community 29 octobre 2019
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