Bruxelles, capitale créative

1 avril 2019 par
BECI Community

Mode, design, BD, cinéma, littérature, street art… Bruxelles regorge de talents artistiques. D’où vient toute cette créativité ? Est-elle dans l’air bruxellois ? Que doit-elle à l’enseignement ? Aux mécanismes des pouvoirs publics ? Ou à l’action entrepreneuriale ? Et pourquoi tant d’artistes étrangers choisissent-ils Bruxelles comme terrain de jeu ?  

Capitale et carrefour de l’Europe, au cœur d’une Belgique elle-même multiple, ville cosmopolite, polyglotte et haute en couleurs, Bruxelles se présente comme un lieu où l’on peut tout tester, tout expérimenter. À Bruxelles, il n’y a ni normes, ni frontières : un terrain de jeu magnifique.  

« Par rapport à d’autres grandes capitales, Bruxelles est une ville où de nombreux projets n’ont pas encore été imaginés, réalisés, construits », commente Alexandra Lambert, directrice du MAD. « Dès lors que l’on a une idée créative, on a souvent un boulevard devant soi pour la mettre en œuvre. Je l’ai moi-même expérimenté en créant le centre du design et de la mode, véritable laboratoire au service des enjeux urbains. » 

« La Belgique est un pays un peu à part », confirme Laurent Gross, directeur de l’Insas. « Nous sommes un pays mixte et Bruxelles est une ville frontière où plusieurs communautés se côtoient. Par rapport à la France, par exemple, nous avons une structure d’État moins forte et moins centralisée. Tout cela crée une diversité d’approche de l’art. Ainsi, quand on parle du cinéma belge, on parle d’un cinéma qui s’est construit non pas sur une industrie mais sur une base extrêmement artisanale, avec peu de moyens, pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Il n’y a pas de canon culturel auquel tout le monde doit se conformer. »  

Un soutien public efficace 

Alexandra Lambert estime qu’en tant que capitale de l’Europe, Bruxelles doit se positionner comme un pôle créatif important. D’une part, parce que notre pays regorge de talents, et d’autre part parce que le soutien public est important : « À Bruxelles, nous sommes à la porte des institutions européennes, où l’on peut aller chercher les moyens nécessaires à la création. Si l’on combine cela avec le soutien des autorités publiques et des partenaires, les créatifs peuvent vraiment trouver des opportunités de réaliser leur art et de s’exprimer. » 

Ces dix dernières années, le gouvernement a donné une place de plus en plus importante aux industries créatives dans ses plans d’action, ce qui n’était pas le cas auparavant, commente Alexandra Lambert. Le secteur privé aussi s’y intéresse et soutient davantage la créativité qu’il y a dix ans.  

Par ailleurs, de plus en plus de structures destinées à aider les artistes à se lancer voient le jour et se professionnalisent : par exemple la Smart ASBL, qui permet aux artistes d’avoir un statut, le fonds Start, le pôle Taste de hub.brussels ou encore le pôle médias qui va être créé à la RTBF. « Des acteurs de tous les secteurs audiovisuels s’y rassembleront et cela donnera à Bruxelles une force de représentation supplémentaire », assure Alexandra Lambert. 

Cette mission, c’est aussi celle poursuivie par le MAD. « Depuis quelque temps, nous disposons d’un bâtiment architectural exemplaire, un lieu physique où l’on peut venir voir et palper la création en direct. Nous gérons aussi des résidences-ateliers centrés sur l’innovation sociale, sociétale et durable, qui sont fantastiques et qu’on souhaite ouvrir davantage au public. »  

Enfin, il y a plus d’outils pour mettre à l’emploi les diplômés en art, pour favoriser l’entrepreneuriat des jeunes et pour que ces derniers se sentent moins seuls lorsqu’ils se lancent dans la vie active. On leur donne aussi plus de visibilité. Ainsi, les médias doivent, selon leur contrat de gestion, donner une place importante aux talents belges. 

Avec les médias sociaux et la digitalisation, un jeune artiste peut obtenir très facilement une visibilité publique immédiate. « La médiatisation est beaucoup plus rapide et tout cela facilite la connaissance et la reconnaissance de ces jeunes talents », assure Alexandra Lambert, selon qui Bruxelles présente une grande ouverture d’esprit par rapport au monde créatif. « Il faut parfois pousser plusieurs portes, voire les enfoncer, mais si on persévère, elles s’ouvrent. »  

Un enseignement accessible et de qualité 

La Belgique est également très attractive pour les étudiants. La Fédération Wallonie-Bruxelles compte 16 écoles supérieures des arts. Et d’après les chiffres de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (Ares), plus de 7.000 jeunes ont entamé une formation dans une école d’art pour l’année académique 2017-2018. 

En Flandre aussi, des établissements tels que LUCA, la Karel de Grote Hogeschool, le Conservatoire Royal d’Anvers ou encore l’Université de Gand (qui propose plusieurs baccalauréats en art) attirent de nombreux étudiants chaque année. En 2017, 7,13 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur en Communauté Flamande suivaient ainsi une formation artistique, soit plus de 1.400 étudiants.   

Dans la majorité des écoles supérieures d’art, les candidats-étudiants doivent passer des épreuves d’admission. En revanche, certaines filières artistiques, créatives ou encore techniques, comme l’infographie, les arts graphiques ou les techniques de la photographie et du cinéma, sont organisées en hautes écoles et ne nécessitent pas la présentation d’une épreuve d’admission. 

S’ils sont très sélectifs, ces tests d’entrée sont indispensables. « Compte tenu des moyens dont nous disposons, si l’on veut organiser correctement une formation en art, on est obligés de limiter les accès. Sur les 600 candidats qui passent les épreuves d’entrée à l’Insas chaque année, nous en gardons uns soixantaine », déclare Laurent Gross. 

À l’Insas, ces épreuves d’admission s’étalent sur trois semaines, de quoi se donner le temps d’évaluer les aptitudes des candidats à devenir des professionnels dans le domaine choisi. À La Cambre, elles durent une semaine et l’école a mis en place des programmes d’acclimatation pour les élèves de 5e et 6e secondaire. A Sint-Lucas, les épreuves d’admission comportent par ailleurs un travail à réaliser à domicile. 

En dehors de ces épreuves d’entrée, les études d’art en Belgique sont ouvertes à un panel social très large. Contrairement à la France, l’enseignement est essentiellement d’ordre public, c’est-à-dire subventionné par les Communautés française et flamande. « Il n’y pas d’accessibilité par l’argent. Les droits d’inscription sont raisonnables et il y a des mécanismes d’aide pour les étudiants en difficulté », assure Laurent Gross.  

Indépendance et ouverture d’esprit 

Par ailleurs, l’enseignement se veut libre et indépendant. « À l’inverse de certains pays, dont la France, où l’industrie du cinéma préexistait à la création des écoles de cinéma, en Belgique ce sont les écoles qui ont formé la grande majorité des travailleurs du cinéma, de la télévision et de la radio », poursuit Laurent Gross. 

Cela explique leur grande autonomie et liberté par rapport au monde professionnel bien que, paradoxalement, la grande majorité des enseignants sont des professionnels en exercice. « À Bruxelles, il n’est pas nécessaire de se conformer à des stéréotypes pour entrer dans le monde professionnel. Le monde de l’art a une plus grande ouverture d’esprit par rapport à des genres différents », assure-t-il.  

Pour le directeur de l’Insas, les écoles sont là pour permettre aux jeunes d’expérimenter, d’amener de nouveaux types de création. Et à Bruxelles, elles répondent tout à fait à ce type de fonctionnement. « Nos écoles ont la force de savoir se remettre en question, d’évoluer avec les nouvelles pratiques et technologies, d’offrir une grande liberté de création et de recherche tout au long des cursus. »  

La combinaison de ces différents facteurs a généré une tradition d’excellence et une reconnaissance de la qualité de l’enseignement artistique en Belgique. Le fait que Bruxelles soit la capitale de l’Europe renforce encore l’attractivité et la notoriété de nos écoles. Plusieurs écoles d’art bruxelloises telles que La Cambre, le Conservatoire de Bruxelles, Sint-Lucas, Saint-Luc pour la bande dessinée, etc. ont ainsi acquis une renommée internationale. Elles attirent d’ailleurs de nombreux étudiants étrangers. 

Toujours d’après l’Ares, un étudiant en arts sur trois serait d’origine étrangère. À Saint-Luc à Bruxelles, par exemple, 28 % des 723 étudiants sont français. Une proportion qui grimpe à 56 % dans certaines sections particulièrement prisées comme I’illustration ou la BD. « Ce qui est important à mentionner, c’est qu’un grand nombre de ces étudiants restent ensuite en Belgique. L’investissement de la fédération Wallonie-Bruxelles pour leur permettre de se former crée de l’activité en Belgique », assure Laurent Gross. 

Des loyers accessibles 

L’accessibilité des loyers est aussi un bel avantage pour attirer les artistes dans notre région. « À Bruxelles, il y a de plus en plus de galeries qui s’installent, parce qu’on a un niveau de loyers qui permet encore de prendre des risques, ce qui n’est pas le cas partout. On peut encore s’installer dans certains quartiers pour y ouvrir un atelier ou une boutique », explique Alexandra Lambert. Elle estime toutefois que des efforts pourraient encore être consentis. 

« Beaucoup de bâtiments sont inoccupés alors que, parallèlement, de nombreux artistes cherchent des lieux pour créer. Pourquoi ne pas les leur louer pour un montant symbolique ? Beaucoup d’artistes internationaux viennent à Bruxelles et en repartent en disant que c’est une ville fantastique où ils aimeraient beaucoup s’établir. Pour moi, il faut de plus en plus donner l’opportunité à ces gens-là de venir. » 

Ces loyers accessibles sont aussi importants pour permettre aux étudiants de s’installer en ville le temps de leur cursus, ce qui n’est pas le cas dans d’autres capitales européennes. 

L’art, un secteur qui pèse lourd 

Statut international de Bruxelles, ouverture et diversité culturelle, soutien public, accessibilité et qualité de l’enseignement, loyers abordables : la combinaison de tous ces facteurs fait de Bruxelles un terrain de jeu très attractif pour les artistes. 

Résultat : dans de nombreux métiers artistiques, la production belge s’intensifie de manière importante. Le secteur des industries créatives et culturelles pèse lourd, tant en termes d’activité économique que de financement. En 2015, il représentait déjà plus de 45.000 emplois en Région bruxelloise et générait un chiffre d’affaire de 12,9 milliards d’euros, soit 6,3% du chiffre d’affaire total de Bruxelles. 

BECI Community 1 avril 2019
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