Contrôle médical en cas d'incapacité de travail. Quelles limites ?

27 juin 2023 par
BECI Community

Il n’est pas rare qu’un employeur ait des doutes par rapport à l’incapacité de travail d’un collaborateur. Le collaborateur a remis un certificat médical, mais est-il réellement malade ? Est-ce normal qu’il tombe en incapacité de travail « par hasard » au moment où on lui refuse des congés ? Est-ce justifié qu’il soit en incapacité pendant 8 semaines consécutives ? Tant de questions… Comment savoir ?

La loi permet à l’employeur de mandater un médecin-contrôleur pour examiner l’incapacité de travail d’un collaborateur. Nous considérons d’ailleurs que cela fait partie d’une bonne gestion d’entreprise en termes de lutte contre l’absentéisme. Des contrôles réguliers dincapacités de travail au sein de l’entreprise permettent notamment d’indiquer aux collaborateurs que cette question est prise au sérieux par l’employeur et est surveillée de près.

Nous développons ci-dessous les règles en matière d‘examen médical de contrôle.

Règles générales en cas d’incapacité de travail

Un travailleur en incapacité de travail doit en principe en avertir son employeur dans les plus brefs délais. Il doit également fournir un certificat médical à son employeur (si le règlement de travail le prévoit ou si l’employeur le demande). Ce certificat devra mentionner l’incapacité de travail et la durée probable de celle-ci et indiquer si le travailleur peut se déplacer ou non durant son incapacité de travail. Par ailleurs, le travailleur en incapacité de travail doit également se soumettre, le cas échéant, à un examen médical par un médecin-contrôleur mandaté par son employeur.

Contrôle médical et modalités

Il y a certaines règles à respecter si un employeur souhaite faire contrôler l’incapacité de travail d’un collaborateur par un médecin-contrôleur.

Quant à la portée du contrôle, le médecin-contrôleur examine la réalité de l’incapacité de travail, vérifie la durée probable de celle-ci et, le cas échéant, les autres données médicales pour autant que celles-ci soient nécessaires au regard de l’objectif poursuivi ; toutes autres constatations demeurent couvertes par le secret professionnel.

Quant au moment du contrôle, il peut s’effectuer dès le moment où le travailleur a informé son employeur de son incapacité de travail et pendant toute la période de l’incapacité. Un contrôle médical peut donc se faire durant la période couverte par le salaire garanti, mais également pendant la période couverte par l’assurance soins de santé.

Le contrôle peut s’effectuer les dimanches et les jours fériés ou même en soirée, pour autant que cela soit à une heure raisonnable (et en aucun cas entre 21 heures et 5 heures).

Une convention collective de travail ou le règlement de travail peut déterminer une période de la journée de maximum 4 heures consécutives se situant entre 7 et 20 heures, durant laquelle le travailleur se tient à disposition pour une visite du médecin-contrôleur à son domicile ou à une résidence communiquée à l’employeur (la « période de disponibilité »). Le SPF Emploi précise néanmoins que la période de disponibilité doit être appliquée dans le strict respect des principes de proportionnalité compte tenu de l’objectif de contrôle médical. L’obligation complémentaire doit donc être limitée dans le temps et, surtout, au début de la période de maladie. Par ailleurs, la période de disponibilité ne doit pas porter atteinte au droit de l’employeur de contrôler le travailleur pendant toute sa période d’invalidité et l’obligation du travailleur de se soumettre à ces contrôles.  

Quant au lieu du contrôle, il peut s’effectuer au lieu de résidence du travailleur ou au cabinet du médecin-contrôleur. Les éventuels frais de déplacement du travailleur sont à charge de l’employeur. Si le certificat médical indique que le travailleur n’est pas en état de quitter son domicile, le contrôle devra se réaliser au lieu de résidence du travailleur.

Quant au médecin-contrôleur, la médecine de contrôle ne peut être exercée que par un médecin qui est autorisé à pratiquer l’art de guérir et qui a cinq ans d’expérience comme médecin généraliste ou une pratique équivalente. L’employeur peut librement choisir le médecin-contrôleur qu’il mandate, pour autant qu’il remplisse les conditions précitées. Lors de chaque mission, le médecin-contrôleur doit signer une déclaration d’indépendance qui sert de garantie du fait qu‘il bénéficie d’une totale indépendance par rapport à l’employeur et au travailleur vis-à-vis desquels il exerce la médecine de contrôle.

Procédure et contestation

Après que le médecin-contrôleur ait effectué l’examen médical, il remet aussi rapidement que possible ses constatations écrites au travailleur. Si le travailleur ne peut à ce moment marquer son accord avec lesdites constatations, ceci sera acté par ce dernier sur l’écrit précité. A partir du premier examen médical de contrôle, le travailleur peut se voir refuser le bénéfice du salaire garanti, à l’exception de la période d’incapacité de travail pour laquelle il n’y a pas de contestation.

Dans les deux jours ouvrables après la remise des constatations par le médecin-contrôleur, la partie la plus diligente peut, en vue de trancher le litige médical, désigner un médecin-arbitre qui statuera sur le litige. Les frais de cette procédure sont à charge de la partie perdante. La décision qui découle de cette procédure d’arbitrage est définitive et lie les parties. Le médecin-arbitre porte sa décision à la connaissance de celui qui a délivré le certificat médical et du médecin-contrôleur. L’employeur et le travailleur en sont avertis par lettre recommandée.

Obligations du travailleur en termes de contrôle médical et sanctions

Un travailleur ne peut refuser de recevoir un médecin-contrôleur, ni de se laisser examiner par celui-ci. Hormis les cas où le travailleur aurait des motifs légitimes ou prouverait une force majeure, il sera par exemple considéré que le travailleur s‘est soustrait volontairement au contrôle médical dans les cas suivants :  

s’il ne se présente pas au cabinet du médecin-contrôleur alors qu’il a reçu une convocation, à moins que son certificat précise qu’il n’est pas en état de se déplacer;
s’il n’est pas à son domicile au moment indiqué par l’avis de passage du médecin-contrôleur;
s’il n’est pas à son domicile durant la période de disponibilité (prévue dans une CCT ou le règlement de travail);
de manière générale, s’il refuse ou empêche le contrôle médical.

 

Le travailleur a l’obligation de rendre le contrôle possible. A cette fin, il doit communiquer à l’employeur l’adresse où peut s’effectuer le contrôle si, durant sa période d’incapacité, il réside temporairement dans un autre lieu que sa résidence habituelle. Il doit en principe régulièrement relever sa boite aux lettres pour prendre connaissance d’une convocation à se présenter au cabinet d’un médecin-contrôleur ou d’un avis de passage prévu par le médecin-contrôleur.

Par ailleurs, si le travailleur va à l’étranger, il doit en avertir l’employeur au préalable en indiquant l’adresse où il résidera. Nous estimons que l’employeur pourrait donc, le cas échéant, envoyer un médecin-contrôleur à l’étranger, pour autant que ce médecin étranger remplisse les conditions qui s’imposent à tout médecin-contrôleur en Belgique.

Le travailleur qui, sans motif légitime ou force majeure, se soustrait au contrôle médical, peut se voir refuser le bénéfice du salaire garanti pour les jours d’incapacité qui précèdent le jour du contrôle effectif. Le salaire garanti ne sera donc pas dû pour la période à partir du premier jour de l’incapacité de travail jusqu’au jour du contrôle effectif. Si, par la suite, le travailleur se rend disponible pour un contrôle médical, il pourra (re)bénéficier du salaire garanti à partir du moment où le médecin-contrôleur aura effectivement pu réaliser ce contrôle médical.

Conclusion

Le législateur permet à l’employeur de vérifier l’incapacité de travail d’un collaborateur. Afin que cette mesure soit efficace, il impose au collaborateur de rendre possible le contrôle médical. Si un collaborateur empêche le médecin-contrôleur de vérifier la réalité de son incapacité de travail, le collaborateur n’aura pas droit au salaire garanti. Si un médecin-contrôleur a tenté d’effectuer un examen médical à la demande de l’employeur, mais que celui-ci n’a pas eu lieu, il revient au travailleur de prouver qu’il y a des raisons légitimes justifiant cela ou qu’il y avait une force majeure. Le législateur a donc tenté de maximiser les chances pour les employeurs d’effectuer des contrôles médicaux des incapacités de travail, ce qui peut s’avérer très utile pour combattre l’absentéisme et sanctionner, le cas échéant, les travailleurs malveillants.

 

À propos des auteurs

Thierry Duquesne, Local Partner at NautaDutilh & Alix de la Barre, Lawyer – Employment Law at NautaDutilh

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BECI Community 27 juin 2023
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