Licenciement et preuve des motifs : quelle responsabilité pour l’employeur ?

19 septembre 2023 par
BECI Community

Pour éviter un licenciement manifestement déraisonnable, l’employeur doit être en mesure de prouver que le licenciement d’un collaborateur est lié à son aptitude ou sa conduite ou aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise. Il n’est pas rare qu’un employeur n’arrive pas à prouver les motifs de licenciement invoqués, même si ceux-ci sont réels et existants. Voici quelques réflexes à adopter en tant qu’employeur pour éviter cette situation.

Lorsqu’un collaborateur ayant minimum six mois d’ancienneté conteste son licenciement, il peut exiger de son employeur qu’il prouve les motifs avancés. A défaut de cela, il pourrait être condamné à payer une indemnité au collaborateur.

La règlementation en matière de charge de la preuve d’un licenciement manifestement déraisonnable prévoit, selon l’hypothèse, si c’est l’employeur ou le collaborateur qui doit prouver les faits à l’origine du licenciement. Toutefois, dans la pratique, tant l’employeur que le collaborateur produiront chacun des pièces à l’appui de leur position.

S’il s’agit de motifs de licenciement liés à la conduite ou à l’aptitude du collaborateur, de nombreux types de preuves permettent à l’employeur de démontrer qu’un licenciement n’était pas manifestement déraisonnable. Des lettres d’avertissements adressées au collaborateur concernant les mêmes manquements que ceux ayant mené au licenciement, constituent une preuve solide. Cela vaut également pour les évaluations négatives du collaborateur, il est toujours utile d’en garder une trace écrite. Des enregistrements vidéos, plaintes écrites de tiers (tels que des clients), e-mails internes ou preuves de fautes professionnelles sont également utiles.

Si l’employeur n’a récolté aucune preuve (ou trop peu) des faits reprochés lors de la relation de travail, il peut recourir à des témoignages par le biais d’attestations écrites. L’employeur peut par exemple demander aux collègues, clients ou fournisseurs de rédiger des attestations reprenant leurs expériences négatives avec le collaborateur concerné. Les cours et tribunaux pourraient être réticents face aux attestations de collègues s’ils estiment que leur lien de subordination avec l’employeur, qui fournit cette attestation, compromet la fiabilité de leur attestation. Toutefois, les cours et tribunaux acceptent généralement les attestations de collègues et y attachent une fiabilité, tenant compte du fait qu’ils sont souvent les mieux placés pour témoigner.

S’il s’agit de motifs de licenciement liés aux nécessités de l’entreprise, il faut garder à l’esprit que l’employeur doit, d’une part, prouver les motifs économiques ou techniques, et d’autre part, prouver que ces motifs sont à l’origine du licenciement. Par exemple, si un collaborateur est licencié car sa fonction est supprimée pour des raisons économiques, l’employeur devra prouver les raisons économiques et prouver que le collaborateur n’a pas été remplacé.

Pour ce type de licenciements, l’employeur avancera surtout des preuves objectives telles qu’une baisse du chiffre d’affaires, une réorganisation, un changement d’organisation interne, une baisse de commandes, de ventes ou des activités.

Au niveau du contrôle des motifs par les cours et tribunaux, le juge effectue un contrôle marginal. Seul le caractère manifestement déraisonnable du licenciement peut être contrôlé, et non l’opportunité de la gestion de l’employeur (c’est-à-dire son choix entre différentes alternatives de gestion raisonnables dont il dispose). Le juge doit donc se limiter à vérifier si le licenciement n’est pas tellement arbitraire ou disproportionné qu’il est manifeste qu’aucun employeur normal n’aurait pris cette décision. Par exemple, en cas de licenciement économique dû à un mauvais chiffre d’affaires, le juge doit en principe uniquement vérifier l’existence de mauvais chiffres, mais il ne doit pas vérifier si ces chiffres sont suffisamment mauvais pour justifier un licenciement.

Pour finir, il est fortement conseillé de récolter une série de preuves, car souvent, un seul élément de preuve ne sera pas décisif. Pour les licenciements liés à la conduite ou l’aptitude, il est essentiel de documenter, tout au long de la relation de travail, chaque manquement qui pourrait être reproché au collaborateur. Ceci permet d’avancer devant le juge une série de preuves qui, prises dans leur ensemble, permet de conclure que les motifs invoqués sont avérés et que le licenciement n’était pas manifestement déraisonnable.

 

 

À propos des auteurs

Thierry Duquesne, Local Partner at NautaDutilh & Alix de la Barre, Employment Law at NautaDutilh

 

BECI Community 19 septembre 2023
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