Changement climatique et assurance : des défis et de sacrées opportunités

28 novembre 2018 par
BECI Community

En Europe, les compagnies d’assurance resserrent les boulons afin de s’ancrer encore plus solidement sur leurs fondations. Dans le secteur non-vie, mais aussi dans le secteur vie, cela amène certaines d’entre elles à faire preuve de créativité. Jusqu’à lier des actions contre le réchauffement climatique, le profit de la compagnie et la sécurité du client.

 

C’est au Canada que les professionnels du monde de l’assurance parlent le plus et le mieux des liens entre assurance et réchauffement climatique. Là-bas, lorsque vous « magazinez » pour choisir l’assureur qui va vous permettre de garantir vos vieux jours, on constate bien vite que le réchauffement est un sujet très souvent inscrit sur les tablettes. Il faut dire qu’on est là à quelques kilomètres seulement de la frontière américaine, du règne de Donald Trump et de son climato-scepticisme. Par ses positions, sans doute le président américain a-t-il amené ses voisins canadiens à s’arc-bouter davantage dans la lutte contre le réchauffement climatique…

 

Un enjeu immense

Revenons en Belgique et poursuivons notre recherche d’acteurs au fait de la question. Un simple mail envoyé au leader du marché Ageas suffit à mobiliser son CEO : « En tant que leader du marché du secteur vie, Ageas ne peut pas faire abstraction du milieu dans lequel la compagnie évolue », commence Bart De Smet. À ce titre, l’assureur belge est bien évidemment au fait de toutes les questions quasi existentielles que se posent les dirigeants et les citoyens. Quid de la viabilité des placements en branche 21 ? Quid de l’évolution de notre environnement et des charges de plus en plus importantes que font peser sur nos sociétés les conséquences – aujourd’hui avérées – liées au dérèglement climatique ? Au-delà des défis, quid aussi des opportunités qui peuvent se présenter, pour une compagnie comme Ageas, dans le registre de la lutte directe ou indirecte contre le réchauffement climatique ?

 

« Depuis les six premiers mois de l’année 2018, le secteur de l’assurance a déjà déboursé 200 millions d’euros pour indemniser des dégâts liés au dérèglement climatique. »

Bart De Smet

 

 

L’enjeu n’est pas mince. Il s’agit tout d’abord de contrôler autant que possible les manifestations climatiques ou tout au moins d’en limiter les effets dévastateurs : « Depuis les six premiers mois de l’année 2018, le secteur de l’assurance a déjà déboursé 200 millions d’euros pour indemniser des dégâts liés au dérèglement climatique. Et sur ces 200 millions d’euros, 55 ont été versés par AG Insurance, filiale belge d’Ageas ». Fort heureusement, ces 200 millions versés sur les six premiers mois de l’année ne représentent en réalité que 7 % des primes d’assurance incendie encaissées par le secteur de l’assurance en Belgique. En d’autres termes, si les conséquences du dérèglement climatique ne sont plaisantes pour personne, cela représente – dans l’état actuel des choses – une problématique qui reste tout à fait gérable pour un assureur comme Ageas.

 

Bart De Smet, CEO d’Ageas

 

Non pas dire, mais faire

Ageas a développé à l’égard de la problématique du réchauffement une réflexion et une stratégie sobre mais efficace, réaliste par rapport à la donne de ce que l’on appelait encore il y a quelques années d’ici le « développement durable » : « Chez Ageas, nous nous sommes inscrits dans la démarche des SDG, les Sustainable Development Goals lancés par l’Organisation des Nations Unies ». Non pas globalement comme le font de nombreuses multinationales soucieuses de restaurer leur image, mais en précisant les seules actions sur lesquelles la compagnie pensait pouvoir apporter sa contribution. Aux belles paroles, Ageas préfère l’action : « Non pas dire, mais faire », souligne Bart De Smet.

Au-delà de cet engagement concret et du challenge que représente le développement d’activités dans le secteur vie, l’assureur Ageas est conscient des opportunités que peut recéler la thématique de la lutte contre le réchauffement sur le plan de ses affaires. Ainsi, la filiale d’Ageas AG Real Estate s’est engagée dans un ambitieux plan Scholen voor Morgen. « Il s’agit d’un investissement important consenti dans la construction de bâtiments peu énergivores, conçus avec des matériaux durables et pensés dans une optique de long, voire de très long terme, et qui donnent dans le même temps à AG Insurance et AG Real Estate la garantie d’une rentabilité suffisante pour un niveau de risque sous contrôle. »

D’autres idées positives, Bart De Smet en a encore plein sa besace. Et nombre d’entre elles permettent de lier de manière encore plus évidente croissance des activités actuarielles et contrôle des manifestations du dérèglement climatique. Le patron d’Ageas nous dit avoir abordé avec des politiques la question du financement par une institution comme la sienne, et d’autres acteurs dans le secteur, d’un réseau d’égouttage performant, c’est-à-dire étanche et séparatif (ndlr: avec des dispositifs permettant de séparer eaux pluviales et eaux usées), qui serait doté d’un système de rétention d’eau de longue durée. Bart De Smet : « Pendant les jours pluvieux, l’eau serait stockée dans des bassins de rétention au lieu de provoquer des inondations. Et en été, comme lors de la longue période sèche que nous avons connue cette année, l’eau pourrait être utilisée en agriculture. » Autres pistes possibles : l’investissement dans l’énergie durable avec par exemple des engagements financiers à hauteur de 250 millions d’euros dans des parcs éoliens offshore.

 

Des produits qui doivent rester payables

Le lien avec l’assurance-vie, demanderez-vous ? Il est présent dans chacun des détails auxquels veillent les compagnies d’assurance. Car c’est en agissant sur chacun de ces détails que les produits d’assurance pourront rester payables, en non-vie et plus encore en vie. Ainsi les prescriptions de Solvency II, comme les opérations spéculatives hasardeuses qui sont désormais strictement proscrites, mais aussi des éléments qui semblent beaucoup plus indirects comme des épisodes de sécheresse de plus en plus marqués, la conjonction de températures plus élevées et de la formation d’anticyclones qui forment de véritables « cloches à polluants » sur de vastes zones urbanisées, amenant d’importants dépassements des seuils fixés par les autorités. Ou encore la résurgence de maladies virales comme l’hantavirus, la maladie de Lyme, voire même la dengue dont la fréquence a augmenté de manière significative en Europe, y compris en Belgique. Ce sont ainsi toutes les tranches de population qui sont touchées, et plus seulement les personnes réputées fragiles comme les jeunes enfants ou les personnes âgées . Ces éléments sont de nature à affecter directement et indirectement la profitabilité des compagnies. Et donc, les conditions dans lesquelles les clients peuvent bénéficier de contrats non-vie et vie à des conditions intéressantes. Raison pour laquelle les assureurs doivent désormais y accorder une importance capitale.

 

Quand les réassureurs font la chasse au carbone

Les grands réassureurs que sont Munich Re et Swiss Re sont particulièrement attentifs aux conséquences du changement climatique sur l’évolution des risques dans les activités vie, mais aussi non-vie de leurs clients. Les conséquences de ces manifestations ont en effet des conséquences dont les deux réassureurs ont pu éprouver le poids (financier, entre autre) au fil des ans. Ils ont d’ailleurs été les premiers à se lancer dans l’action, en mobilisant d’importantes équipes de spécialistes – parmi lesquels des scientifiques – afin de mieux appréhender les risques liés à cette évolution et les adaptations qui s’imposent. Par la force des choses, ils sont même considérés aujourd’hui comme les premiers militants institutionnels de la lutte contre le changement climatique. À ce titre, Swiss Re est très proactif à l’égard de tous les actes qui l’engagent à titre personnel. Son QG de New-York vient de bénéficier d’un plan d’investissement permettant d’alléger de 115 tonnes par an ses émissions de CO2. Un effort que le réassureur aimerait bien évidemment voir dupliqué chez tous ses clients assureurs et chez tous leurs assurés.

 

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BECI Community 28 novembre 2018
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