Bruxelles-Propreté : ‘big picture’ d’un parastatal du quotidien

1 décembre 2018 par
BECI Community

Après avoir déjà éclairé les stratégies d’achat public de plusieurs « bras armés » de la Région bruxelloise (CIRB, SLRB, BE, etc.), notre série sur les marchés publics met en lumière le secteur de la propreté publique. Mathieu Vrebosch, responsable de la Cellule Achats au sein de Bruxelles-Propreté, tient à rendre les entrepreneurs bruxellois attentifs aux diverses opportunités d’affaires que son OIP propose, et ce, dans de nombreux secteurs. 

 

Difficile de vivre ou de travailler dans la Capitale sans connaître l’Agence Bruxelles-Propreté ! Tant il est vrai que produire des déchets – et donc, être tenu de contribuer à les éliminer – est notre lot à tous… Il n’en est pas moins utile de rappeler quelques éléments à son sujet. Ainsi, l’agence est un gros employeur, marqué au surplus par un fort développement : depuis 1999, le nombre d’agents est passé de 1500 à près de 2800. Bruxelles-Propreté, c’est aussi – répartis sur tout le territoire régional – 11 sites d’exploitation, 4 parcs à conteneurs, un garage central et un siège administratif. En termes de nettoyage, enfin, 399 km de voiries sont entretenus par l’agence.

Pour faire tourner ce « monstre » et lui donner les moyens de ses missions, d’innombrables commandes de travaux, fournitures et services sont indispensables. Comme le précise M. Vrebosch, 22 millions d’euros sont annuellement affectés au budget à cette fin, « au seul niveau des achats logistiques, sans le charroi ni l’infrastructure, donc ! » Charroi dont le budget s’élève, en 2018, à 16 millions TVAC pour l’achat de véhicules et 8,5 millions pour l’entretien et les réparations.

Pour mettre en œuvre cette politique d’achats, l’agence dispose d’une solide équipe d’acheteurs, rompus à la législation sur les marchés publics et bons connaisseurs de la réalité – économique, cette fois – du marché des différents équipements. « Chez nous »,  précise M. Vrebosch, « quand  un acheteur s’est vu confier un marché, il en devient – sauf exception liée à des sujets très techniques, comme l’informatique, par ex. – la personne de référence d’un bout à l’autre, exécution comprise. C’est là un point qui nous démarque de plusieurs autres OIP bruxellois, chez qui l’exécution des marchés est abandonnée aux équipes de terrain. »

 

Des obstacles à franchir ? Entre freins effectifs et légendes urbaines…

Des budgets considérables, une grande diversité de secteurs, la garantie d’une parfaite solvabilité inhérente à un OIP, un suivi qualifié : a priori, tout devrait plaider en faveur d’une véritable « ruée » des entrepreneurs bruxellois vers les offres de marchés publiées par l’agence ! Or, le tableau n’est pas aussi rose. La faute à un certain nombre d’obstacles régulièrement cités par les entreprises. Mais ces écueils en sont-ils vraiment ? Quelle est leur part de réalité ? Et qu’est-ce qui relève de la mécompréhension, voire de la franche… « légende urbaine » ? Pour nous permettre d’y voir plus clair, notre interlocuteur a accepté de se livrer au jeu du « vrai ou faux ».

 

Des procédures inutilement complexes ? De plus en plus FAUX !

Pour beaucoup d’entrepreneurs, la cause est entendue : en dépit de leur attractivité, concourir à des marchés publics équivaudrait à un véritable « parcours du combattant », décourageant les plus tenaces. Notre invité nuance : « Certes, les marchés publics ont leurs règles et leurs exigences – notamment documentaires. Mais c’est le corollaire des nombreuses garanties qu’ils amènent, d’un autre côté ». 

À cela s’ajoute la nouvelle loi de 2017 sur les marchés publics, qui a précisément pour ambition de simplifier les procédures. Notamment via le caractère obligatoire désormais lié à la procédure électronique : avec l’abandon du courrier postal, toute une série de délais, de coûts et de facteurs d’opacité sont aujourd’hui supprimés.

 

Une concurrence de façade ? Pour le coup, totalement FAUX ! 

Autre croyance ayant la vie dure : la conviction que les pouvoirs adjudicateurs auraient « leurs habitudes » et travailleraient systématiquement avec les mêmes entreprises, les autres concurrents étant destinés à « faire tapisserie » pour les besoins de la loi. Ici, Mathieu Vrebosch hésite entre rire et se fâcher. « Si ce genre de manège a pu avoir cours par le passé dans certaines administrations – ne nous voilons pas la face –, c’est par essence le genre de pratiques que rendent impossibles le renforcement récent de la législation et, plus spécifiquement encore, son basculement sur un régime électronique ! »

 

Des prix impossibles à tenir sur toute la procédure ? En partie VRAI, mais des astuces existent !

Que les marchés publics soient caractérisés par une lenteur certaine par rapport au privé, on ne peut le nier… Mais c’est un fait suffisamment connu pour qu’il ne surprenne plus grand monde ! On dira simplement qu’il ne faut pas compter sur ce genre de marché pour « remplumer » en urgence un carnet de commandes anémique !

Vrebosch pointe cependant la difficulté rencontrée par certains soumissionnaires quant à la durée de validité des offres. Il n’est pas rare que certains prestataires lui opposent que les durées de validité exigées pour le prix (à savoir 90, 120 voire même 180 jours) seraient bien trop longues en regard de la volatilité des prix sur les marchés en question (tels les prix de l’électricité ou du fuel). Entre la demande de ces prestataires – dont l’horizon usuel d’offre est souvent d’une dizaine de jours – et la lenteur « sénatoriale » de la machine institutionnelle à l’œuvre dans le secteur public, un compromis doit être trouvé. Quitte à ce que le montant proposé inclue une marge de prudence.

 

À l’inverse, des facilités trop souvent méconnues

Non content de nuancer considérablement les obstacles généralement cités, M. Vrebosch rappelle quelques précieux filons, de nature à simplifier la tâche des soumissionnaires :

 

Des offres aisément consultables :

Certaines PME n’ont pas forcément le réflexe de consulter le Bulletin des Adjudications (BDA). D’autres n’en ont pas le temps. Comme le rappelle notre interlocuteur, « il existe des entreprises qui – sur base des codes NACE, comme on les appelle – reprennent tous les appels d’offres, par secteurs d’activité. Pour moins de 1000 € par an, ça peut bien aider à rester ‘sur la balle’ ! »

 

Les démarches de prospection menées par Bruxelles-Propreté :

Rien de plus vexant et problématique qu’un appel d’offre qui reste sans candidats (de qualité) ! Pour s’assurer de disposer d’offres compétitives, l’agence anticipe en menant – in tempore non suspecto – des opérations de prospection. « Ainsi, quand on sait qu’on aura, d’ici six mois ou un an, divers petits travaux de rénovation à mener sur certains bâtiments, on contacte – de manière systématique, via les Pages d’Or – les sociétés qui nous semblent de nature à inspirer confiance. On sollicite alors un rendez-vous, puis on met en avant les avantages de faire affaire avec une structure comme la nôtre, au premier rang desquels notre parfaite solvabilité. Aux entreprises bruxelloises de ne pas rater le train le jour de notre appel ! »

 

L’obligation d’allotir, favorable aux petits prestataires :

Notre invité met l’accent sur une troisième facilité, spécifiquement introduite dans la loi dans l’intérêt des PME. Il s’agit de l’obligation faite aux commanditaires publics d’allotir, c’est-à-dire de prendre soin, chaque fois que cela est possible (et dans les limites du raisonnable !), de « découper » le marché en un maximum de lots. Par exemple, en confiant à deux sociétés distinctes la démolition d’une ruine et la construction d’un nouveau bâtiment.

Cette obligation est relativement contraignante, car l’organisme public est tenu de se justifier chaque fois qu’il entend y déroger… Pour Mathieu Vrebosch, l’idée n’est pas encore bien  fonctionnelle ; et il n’est pas exclu qu’elle rejoigne le cimetière des « beaux-principes-difficilement-applicables » ! Force est d’admettre que cette obligation de  fractionnement complique considérablement la vie des administrations commanditaires. Cela suppose de construire « x » marchés différents, puis d’en suivre l’exécution en parallèle. Et en cas de conflit, de mener autant de dossiers de  contentieux distincts ! C’est peu dire que l’idée est mal accueillie dans les différents services… À cette objection pratique s’en ajoute une autre, plus symbolique, qui tient dans la relative antinomie entre l’obligation d’allotir, d’une part, et l’intérêt croissant marqué pour les centrales d’achats, d’autre part. On sent bien qu’on ne peut prôner le découpage d’un côté et le regroupement de l’autre…

En conclusion, M. Vrebosch fait confiance à la jurisprudence autant qu’à la pratique pour décider du sort des marchés publics. Sachant qu’elle n’est pas appelée à « changer la face du monde », non plus. Car, comme on s’en sera rendu, candidater auprès des pararégionaux bruxellois – Agence Bruxelles-Propreté en tête – est en réalité bien plus simple et stimulant qu’on pourrait l’imaginer !

BECI Community 1 décembre 2018
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