Philippe Close : « Je veux un Bruxelles qui va gagner ! »

25 octobre 2017 par
BECI Community

Bruxelles Métropole : En quoi serez-vous un bourgmestre socialiste ? Le pragmatisme lié à la fonction n’efface-t-il pas les divergences idéologiques ?

Philippe Close : Comme me le disait récemment Alain Juppé, maire de Bordeaux, « Il n’y a pas des tramways de gauche et des tramways de droite » ; mais en matière de politiques publiques, oui. La mienne sera éminemment sociale, dans le sens où j’entends intégrer tous les courants dans mon action et faire réussir un projet de ville coproduit par tous. Ma première réforme d’envergure en tant que bourgmestre a porté sur la gouvernance : elle s’est faite avec les huit autres formations politiques.

Il était dans l’intérêt de tous d’envoyer un signal clair aux électeurs…

Sans aucun doute, mais cela ne rendait pas la méthode indispensable. Pour moi, une ville, ça se coproduit et ce sera sans doute le mot-clé de ma législature. Je souhaite coproduire, avec les divers représentants que les électeurs ont choisi, et avec les Bruxellois eux-mêmes, une ville qui offre une administration irréprochable et efficace, qui propose à tous des services publics de qualité et proches (pas plus de dix minutes de trajet pour une école, une crèche, un hôpital…), qui ose vanter ses atouts et se projette dans l’avenir.

Coproduire, c’est discuter. M. Mayeur est passé en force avec son projet de piétonnier : avait-il tort ? À Bruxelles, on s’enlise toujours dès qu’il s’agit d’un projet constructif – voyez le tunnel Meiser ou la passerelle pour tram de Tour et Taxis. 

L’aboutissement d’un projet attend parfois –  souvent –  plusieurs années, en effet ; sept ans en moyenne ! Mais une concertation plus organisée peut raccourcir significativement les délais. Il ne s’agit pas non plus d’être en concertation permanente.

De nombreux quartiers ont été rénovés et une classe moyenne y jouxte maintenant une population parfois très pauvre ; des start-up éclosent rue de la Loi quand des jeunes sans qualification végètent dans le bas du pentagone ; économiquement, urbanistiquement, socio- démographiquement…, Bruxelles est un feu d’artifice. Comment cela se gère-t-il ?

Des quartiers très bien rénovés attirent de nouveaux habitants ; beaucoup d’expats, français notamment, qui viennent s’installer au centre attirés par l’ambiance de Bruxelles et la qualité des services. Une part croissante des 100.000 étudiants que compte la Région afflue chez nous ; l’explosion démographique est particulièrement sensible dans notre vaste commune qui compte près de 180.000 habitants – chiffre proche du pic historique du début du siècle. Il est vrai aussi que c’est la commune de la Région où la diversité des profils socio-économique est la plus importante. Tout cela pose, notamment, l’enjeu redoutable de l’adaptation de notre offre globale de service public, qui doit rencontrer des demandes très diverses. Mais cette diversité, cette vitalité, c’est une chance inouïe ! D’abord, elle n’est pas le fruit du hasard : si on compte aujourd’hui 182 nationalités sur notre sol, 1500 organismes internationaux présents, des centres de décision majeurs comme l’UE et l’Otan, c’est parce que Bruxelles est un hub naturel grâce à sa position géographique, mais aussi grâce à l’esprit bruxellois qui est ouvert à cette fonction. Bruxelles, c’est sans doute la ville la plus internationale du monde, c’est une ville-monde, en fait ! Normal donc qu’elle soit diverse, cosmopolite, remuante.

Bruxelles a un  budget considérable. Quels en sont les grands postes ? Quel acteur économique favorable aux entreprises êtes-vous ?

Le budget de la ville est de 770 millions d’euros, 1,5 milliard si l’on y ajoute la police, le CPAS, les logements sociaux, nos quatre hôpitaux… Nous occupons plus de 20.000 personnes, accueillons 45.000 étudiants, etc. Bref, une très, très grosse entreprise !

En matière économique, faut-il rappeler que nous sommes au centre de la Région qui a le plus grand impact sur la puissance économique du pays ? Je suis conscient de cette force et je compte m’appuyer sur les très nombreuses entreprises que nous accueillons sur notre territoire. Sans oublier nos commerçants, dont certains font partie de notre patrimoine, comme Wittamer par exemple, à qui j’ai eu le plaisir de prêter la grande salle gothique pour organiser la réception de ses 100 ans d’existence.

En matière de projets économiques, j’aime beaucoup celui de la Cité des Médias que la Région porte au pôle Reyers car je le trouve très pertinent : il est porteur (superbe liaison avec le tax shelter), il  va participer à créer l’image d’une ville où est promue l’excellence, il est basé sur des compétences que nous maîtrisons grâce à nos talents et notre enseignement, etc. Pour la Ville de Bruxelles, j’imaginerais volontiers un « pôle santé », tant nos médecins et hôpitaux sont renommés, ici et à l’étranger. Bruxelles, Capitale de la Santé, ça aurait de la gueule ! Non qu’il faille faire la publicité d’un hôpital, mais il y a une notoriété à répandre, par exemple pour booster l’événementiel médical que sont les grands congrès. J’y réfléchis.

Il y a aussi le luxe « made in Belgium » : quand on pense qu’on accueille sur notre territoire des Degand, des Marcolini, des Scabal, des Delvaux… C’est exceptionnel ! Et sous-communiqué, hélas…

Le tourisme est bien sûr une source de revenus qui peut s’accroître encore. On est en hausse de 10 % cette année, on renoue avec les chiffres de 2015 !

En fait, je veux souligner qu’il faut tabler sur une économie différentielle. La mutation des villes est inéluctable. Ne pleurons pas une industrie lourde qui ne reviendra pas, certainement pas dans nos murs.

En matière de tourisme, vous souhaitez faire du bâtiment de la Bourse un espace dédié aux spécialités bruxelloises : bière, gaufre, chocolat,  que l’on connaît dans le monde entier mais qui ne sont pratiquement pas supportées chez nous. Toutefois, le projet est critiqué.

L’est-il pour de bonnes raisons ? Est-ce parce que le thème paraît trop populaire, trop terre à terre ? Un étranger qui vous sait de Bruxelles va immédiatement évoquer notre chocolat ou nos bières : ça, c’est un argument significatif ! À titre de comparaison, il y a moins de 8  bières en Irlande contre plus de 8.000 chez nous, à tel point que la culture de la bière en Belgique a été inscrite au patrimoine culturel de l’Unesco ! Bruxelles est un terroir exceptionnel en la matière. Pourquoi dès lors se passer d’utiliser cette force de frappe ? Comment se distinguer ? En étant le moins cher ou en étant le meilleur, dit le concept marketing ; on est les meilleurs là, profitons-en. Sachez que ce projet a été retenu comme projet Feder et reçoit donc le soutien de l’Europe ; celui de la Région aussi, bien sûr.

Cette réticence est très bruxelloise : ne pas être assez fier de ce que l’on fait…  Il est amusant de voir que nous débordons d’atouts dont la notoriété ne nous apparaît que quand elle nous revient par écho. C’est le cas des soins de santé, que nous évoquions : chez nous, la plus haute sommité médicale peut soigner le quidam de la rue à la consultation publique, et l’instant d’après, exactement de la même manière, la star venue du bout du monde pour bénéficier de ses conseils. Ici, on pense que c’est normal et partout pareil. Mais l’expat qui peut en profiter, lui il n’en croit pas ses yeux !

Moi, je veux un Bruxelles qui va gagner, qui ne s’excuse plus de ses success stories, qui les valorise et qui prenne son destin en main. On a de bonnes cartes ; il faut entamer la partie.

 

 

Structure des principales recettes ordinaires

Les recettes issues des additionnels au précompte immobilier (PRI) représentent une source importante de revenus pour la commune (30 % des recettes). La Ville de Bruxelles est la commune où le rendement du PRI par habitant est le plus élevé de la Région, et ce grâce à une assiette fiscale importante liée à la présence de nombreux bureaux sur son territoire (et d’un taux des additionnels au PRI supérieur à la moyenne des 19 communes bruxelloises).

À l’inverse, le rendement de l’impôt des personnes physiques (IPP) par habitant est inférieur à la moyenne des communes bruxelloises (en lien avec la situation socioéconomique des habitants et un taux inférieur à la moyenne des 19 communes).

La part des recettes issues des « autres taxes et subventions », qui reprennent des transferts des autres niveaux de pouvoir vers la Ville de Bruxelles, est particulièrement importante (36 % des recettes), en lien avec les fonctions liées au statut de capitale de la commune.

Source: IBSA

 

BECI Community 25 octobre 2017
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