Thomas et Alexia Leysen : s’inspirer mutuellement

27 mai 2019 par
BECI Community

Thomas Leysen est président de la KBC, d’Umicore et de Mediahuis. Cet entrepreneur s’illustre aussi comme fervent défenseur de l’économie durable. On serait tenté de croire que les enfants d’un père comme lui seraient d’office des inconditionnels de l’écologie. Ce serait faire peu de cas des mérites personnels de ses quatre enfants Christophe, Stéphanie, Alexia et Philippe. 

Greenpeace déboule en 1971 avec une première opération. Un an plus tard, le Club de Rome publie « Halte à la croissance ? », un rapport alarmant. Thomas Leysen, écolier à l’époque, s’imprègne de l’ambiance du moment et décide de s’impliquer pour l’environnement. Devenu entrepreneur, il poursuit son engagement en faveur d’un monde durable. Sous sa direction, la très polluante Union Minière se métamorphose en Umicore, un des joyaux de l’économie verte. Dans l’intervalle, Thomas Leysen multiplie les conférences pour faire connaître sa vision de l’économie durable.  

« Il en parlait à la maison, mais je ne me sentais pas vraiment concernée », confesse sa fille Alexia (30 ans). « C’est vers 18 ans que j’ai pris conscience de l’impact de notre mode de vie sur l’environnement, le climat et la biodiversité. Des lectures m’ont fait comprendre comment le dérèglement de l’écosystème conduit à une planète invivable. J’ai entrevu que les personnes les moins favorisées seraient aussi les principales victimes du réchauffement climatique avec, à la clé, un renforcement des inégalités. J’ai réellement commencé à me faire du souci quand j’ai saisi que nos problèmes ne feraient que s’accroître si nous continuions à saccager l’environnement. »  

Le papa a-t-il imposé ses conceptions aux enfants ? Thomas Leysen s’amuse de la question. « J’ai essayé de donner le bon exemple et d’expliquer l’une ou l’autre chose. Mais en fin de compte, les enfants font leurs propres choix. J’ai semé des graines ci et là, certes, mais jamais je n’ai voulu imposer mes convictions personnelles. »  

Alexia se dit que « pour de jeunes parents, il peut être intéressant d’intégrer la dimension climatique à l’éducation des enfants. Ceux qui grandiront avec des conceptions de vie durables considéreront cela comme allant de soi. »  

« Je suis adepte d’une taxe CO2, en dépit des multiples résistances.
C’est LA mesure qui peut induire un changement de comportement. »
(Thomas Leysen) 

Influencer la famille  

Alexia estime que tous les membres de la famille sont plus ou moins sur la même longueur d’onde. « Nous sommes tous conscients de l’ampleur du problème climatique et nous prenons les scientifiques au sérieux. Mais chacun gère cela à sa façon au quotidien. Il y a sept ans, les médias y étaient moins attentifs, mais je réduisais déjà la consommation de viande, l’utilisation de plastique et les déplacements en auto et en avion. J’ai défendu ces principes au sein de la famille et les autres m’ont suivie. Ne dites jamais aux autres qu’ils font fausse route : ils vous laisseront tomber. J’ai appris à éviter ce piège. Il est plus utile de s’inspirer mutuellement en proposant des alternatives ou en s’échangeant par exemple de délicieuses recettes végétariennes. »  

 

Journées Sans Viande  

Thomas admet se laisser influencer par ses enfants. « Lorsque Alexia a entamé sa campagne Journées Sans Viande, elle s’est d’abord tournée vers la famille et les amis. Résultat : nous nous efforçons de réduire la consommation de viande tout au long de l’année. Nos deux filles sont très sensibilisées à la pollution par le plastique, avec une fois de plus, un impact sur le reste du clan. »  

C’est en 2011 qu’Alexia débarque avec l’opération Journées Sans Viande. « Nous, les parents, nous avons immédiatement encouragé l’initiative », se rappelle Thomas. Alexia l’a bien perçu. « J’avais passé une nuit à taper le concept sur mon ordinateur. Je l’ai montré à ma famille et tout le monde s’y est rallié. Les membres de la famille ont été les premiers consultés. Leur opinion comptait beaucoup. »  

« J’ai été sollicité pour la gestion de la campagne media de Journées Sans Viande », raconte Thomas. « Et nous avons apporté notre soutien lors des inévitables moments de doute. » Alexia se souvient du suspense après avoir décidé de publier un livre de recettes « Journées Sans Viande ». « Le délai était très serré et j’ai pris peur. Mon père inspire toujours confiance à ces moments-là. »  

 

Admirable jeunesse  

Christophe est le cadet. Il a 19 ans et est à l’université. Il ne participe pas systématiquement aux marches pour le climat mais soutient pleinement les adolescents de Youth For Climate. « Je suis ravie de voir combien ces marches ont su capter l’attention du public et du politique », commente Alexia. « Christophe était bien au courant de la question climatique, mais ne s’en préoccupait pas trop. Mais depuis que les manifestations sont organisées par des jeunes qui clament haut et fort que c’est leur avenir qui est en jeu, beaucoup de gens se sont réveillés, y compris Christophe. »  

Alexia dénonce le discours moralisateur de certains observateurs. Les sceptiques se sont demandé si ces jeunes manifestants vivaient totalement selon les préceptes de l’écologie et de la durabilité. « Quel cynisme, quand on voit ce que ces jeunes ont déjà atteint », s’insurge Alexia. « Le maintien constant de l’attention sur la question climatique a amplifié considérablement la portée des exigences de changement, au cours des mois écoulés. »  

« Je pense que le politique a été à la fois surpris et déconcerté par l’ampleur des marches », intervient Thomas. « Certains se sont crispés. Dommage, mais l’essentiel, c’est que le signal soit passé. Les citoyens et les entrepreneurs qui se sont mobilisés en masse pour une campagne telle que ‘L’Affaire Climat’ ont démontré qu’ils ne constituent pas une minorité négligeable. »  

 

« Ne dites jamais aux autres qu’ils font fausse route : ils vous laisseront tomber.
Il est plus utile de s’inspirer mutuellement. » (Alexia Leysen)  

 

Le repentir du pollueur  

Thomas estime qu’il est temps de faire preuve de courage et d’imposer une série de mesures. « Je suis adepte d’une taxe CO2, en dépit des multiples résistances. C’est LA mesure qui peut induire un changement de comportement. Une telle taxe doit se compléter de conditions annexes. De multiples études en ont déjà défini la configuration. Elle doit par exemple s’intégrer à un tax shift pour ne pas se limiter à une simple majoration d’impôt. Et l’instauration doit s’effectuer sur plusieurs années. »  

Belle unanimité du père et de la fille quant à ce que doivent faire les entreprises : recevoir et se donner les moyens de développer leurs propres initiatives sous la forme d’avantages compétitifs. Umicore en est un bel exemple, en changeant radicalement de stratégie en 15 ans de temps. Les entreprises qui s’investissent le plus dans cette problématique et qui jouent aujourd’hui un rôle pionnier seront les plus prospères à moyen terme. Et elles seront des employeurs attractifs pour la nouvelle génération. « Sur le marché de l’emploi étriqué que nous connaissons, les travailleurs les plus prometteurs optent pour les entreprises dont ils partagent les valeurs », explique Thomas.  

Alexia conclut sur une note optimiste. « Pas besoin d’être pétri d’écologie depuis le berceau pour se joindre aujourd’hui au mouvement toujours plus puissant qui réclame du changement. Plusieurs générations se font entendre : des enfants, des grands-parents et toutes les tranches d’âge intermédiaires. Bien des gens disent avoir pris conscience et vouloir agir. Chacun, y compris le pire des pollueurs, peut décider de changer. Je lis des témoignages d’entrepreneurs, jadis pollueurs, qui ont changé de conceptions et qui se sont engagés dans une tout autre voie. Cela fait chaud au cœur. Évitons les conceptions binaires avec les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. Tout le monde peut sauter sur le train en marche quand il arrive à la conclusion qu’il faut changer. »  

 

 

 

 

BECI Community 27 mai 2019
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