Aux origines du mâle

3 novembre 2022 par
BECI Community

D’accord, l’écart salarial entre hommes et femmes diminue d’année en année. La Belgique figure même parmi les bons élèves européens en la matière : en 2020, elle occupait la 6e place de ce triste classement des inégalités. Faut-il pour autant se satisfaire d’une situation toujours injuste ?
S’attaquer aux racines du mal devrait être une priorité.

Toutes les études statistiques convergent : l’inégalité salariale est imputable, pour plus de la moitié, à la surreprésentation des femmes dans des secteurs à bas salaire, des emplois subalternes – entendez hors personnels cadre et de direction – et des jobs à temps partiel. Comment déchiffrer cette surreprésentation et, surtout, où est l’autre moitié de l’explication ?

Car, c’est un fait, au niveau belge et même européen, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à terminer des études supérieures. Pourtant, même pour des postes au sommet de la hiérarchie des entreprises privées, l’écart salarial est souvent plus élevé que pour les fonctions moins rémunérées. Et si l’on se tourne vers des secteurs généralement plus attrayants en termes de salaires, comme la banque, le constat est similaire : l’injustice y règne en maître.

 

La pandémie synonyme de régression

Bien sûr, certains argueront que l’on peut déjà se réjouir que sur la base du salaire horaire brut, l’écart salarial s’est déjà réduit de moitié depuis une vingtaine d’année. Oui, mais faites le compte : à ce train de sénateur, il faudrait encore près de trois quarts de siècle pour arriver à la parité complète… si aucun incident de parcours ne survient !

« Faudra-t-il encore près de 3⁄4 de siècle pour arriver à la parité complète ? »

Or, et c’est bien malheureux, selon un récent rapport du Forum économique mondial, la pandémie des dernières années a provoqué une marche arrière pour beaucoup de femmes. Confinement et télétravail obligent, elles ont payé un lourd tribut en raison des tâches familiales et de soins qui leur incombent encore et toujours en grande majorité. Car, oui, ici aussi le constat s’impose : dans nos contrées, nous vivons toujours dans une société au modèle patriarcal hérité d’une longue histoire.

 

La femme est l’avenir de l’homme… mais patience !

Consciemment ou non, l’imaginaire collectif reste empreint de l’idée que le mâle – dominant ou non – ramène le gibier ou le salaire à la maison – c’est selon -, pendant que Madame s’occupe des tâches ménagères et des enfants. Ce n’est pas moi qui le dis mais l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes : en Belgique, 81 % des femmes effectuent quotidiennement des tâches domestiques, contre 33 % des hommes. Ne passons pas non plus sous silence que la différence de revenus durant leur carrière engendre aussi, pour les femmes, des effets négatifs sur les montants de leurs pensions : au niveau européen, ils sont inférieurs de près de 30 % à ceux des hommes.

Les mentalités évoluent ? Parlons-en…. Le principe « À travail égal, salaire égal » figurait déjà explicitement dans le Traité de Rome de 1957, celui-là même qui institua la Communauté économique européenne. Plus d’un demi-siècle plus tard, la loi belge du 22 avril 2012 « vise à lutter contre l’écart salarial entre hommes et femmes ». Résultat 10 ans plus tard : à Bruxelles, on est passé de 12 à 10 % d’écart… Mirifique, non ?!

 

Un léger espoir tout de même

Le 4 mars 2021, la Commission européenne a dévoilé une proposition de directive sur la « transparence des rémunérations ». Celle-ci apparaît comme l’un des meilleurs moyens de lutter contre les discriminations. Elle s’appliquerait aux entreprises dès le processus d’embauche, au bénéfice des demandeurs d’emploi.

Les entreprises seraient tenues ainsi d’informer les travailleurs à la fois sur leur niveau de rémunération individuel, mais aussi sur les niveaux de rémunération moyens, ventilés par sexe. Toutes les entreprises de 250 personnes ou plus seraient concernées. En cas d’écart supérieur à 5 %, elles seraient tenues d’enclencher des processus de correction, en concertation avec les représentants du personnel. Les États seraient chargés de veiller au respect de ces règles via des régimes de sanctions et d’amendes.

La directive favorise aussi l’accès à la justice pour les travailleurs. C’est aux employeurs qu’incomberait la charge de la preuve, c’est-à-dire d’établir l’absence de discrimination. Les travailleurs bénéficieraient d’une indemnisation de tous les arriérés de revenus s’ils ont gain de cause.

Cette directive attend encore d’être approuvée par le Parlement européen et le Conseil. Une fois entérinée, les États disposeraient encore de deux ans pour la transposer dans leur droit interne. Outre les doutes que l’on peut avoir sur la mise en œuvre de cette directive dans un avenir proche, elle ne concernerait, une fois encore, qu’un nombre d’entreprises très limité… et un autre tout aussi restreint de travailleuses !

BECI Community 3 novembre 2022
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