Se saisir au mieux du potentiel de l’IA requiert du discernement. Et entraine, parfois, une sérieuse remise en question…
C’est le Digital Decade Report de l’Union Européenne qui nous l’apprend : une entreprise belge sur quatre avait adopté en 2024 au moins une application IA. Mais toutes ne sont pas logées à la même enseigne… Là ou deux grandes sociétés sur trois ont embrassé l’IA, c’est seulement le cas de 23% des PME. Depuis quelques mois Aurélie Couvreur, qui dirige le facilitateur d’adoption numérique MIC, note toutefois une rapide montée en maturité. « Là où beaucoup cherchaient encore à comprendre à quoi pouvait servir ChatGPT ou Copilot, ils ont aujourd’hui saisi que l’IA était vectrice de productivité et d’innovation », explique-t-elle. Ainsi, de plus en plus s’intéressent à la configuration d’agents IA, notamment les robots conversationnels (chatbots).
Chercher la vraie valeur ajoutée
Gestion administrative, pitching ou interactions clients, campagnes marketing, recrutement, formations, finance… Si les applications IA les plus courantes s’imposent progressivement dans toutes les fonctions de l’entreprise et permettent de réaliser des tâches plus facilement, ce n’est pas pour autant qu’elles changent réellement la donne. « Trop souvent, l’IA est utilisée superficiellement et pour faire « plus de la même chose » », observe Gaëlle Helsmoortel, Business & AI Strategist chez Dataroots. Inonder les réseaux sociaux de vos messages parce qu’ils sont devenus plus simples à rédiger (selon plusieurs études, plus de 50% des posts LinkedIn sont aujourd’hui générés par l’IA) aura-t-il forcément de l’impact sur vos ventes s’ils manquent totalement d’originalité ? De même, l’IA embarquée dans les suites logicielles - comme la prise de notes d’une réunion et l’envoi des « to do » aux participant·es - fait gagner du temps mais n’aura qu’une valeur ajoutée relative.
L’IA est vectrice de productivité et d’innovation
- Aurélie Couvreur
« L’IA sera bien mieux utilisée lorsqu’il s’agira de traiter, au bout de 6 mois, la masse de tous les documents de définition d’objectifs, briefings, reportings, retranscriptions de réunions... Elle aidera alors à évaluer l’avancement d’un projet, ses points de blocages ou de fournir des suggestions de résolution ou next steps », poursuit-elle.
Aurélie Couvreur confirme : « Adopter l’IA dans une pure logique de productivité n’est pas la bonne approche car tôt ou tard, tous vos concurrents auront fait de même. Ce qui confère un avantage compétitif, c’est la capacité à l’exploiter pour doper son innovation ou sa qualité de service ».
Bien définir et mener son projet
Mais comment mener un tel projet à bien ? D’abord en identifiant précisément les défis opérationnels auxquels on veut s’attaquer - délais d’attente au service client, erreurs récurrentes en administration, emailings chronophages … - et en s’assurant que l’IA peut y répondre de façon efficace et rentable, ce qui suppose notamment une masse critique.
Vérifier la pertinence d’un projet nécessite aussi de disposer d’indicateurs de performances fiables afin de fixer à son projet IA des objectifs clairs (Combien mon call center traite-t-il d’appels aujourd’hui et puisje améliorer ce nombre ? Puis-je exploiter utilement une liste de prospects traitées par IA ? etc…). Il faudra rassembler des données fiables, suffisamment disponibles, correctement étiquetées et utilisables en pratique.
Ensuite, structurer son process. Un projet IA comporte en effet plusieurs boucles de rétroaction, basées sur l’analyse de données, l’apprentissage et l’ajustement. Une fois votre projet pilote concluant, il vous restera, dans les règles de l’éthique, à appliquer ses apprentissages à d’autres services ou à l’intégrer à vos systèmes existants - ERP ou CRM, par exemple.
Budgétiser comme un investissement stratégique
On le devine : tout cela requiert des ressources, à commencer par les versions payantes des outils, le temps nécessaire au développement de ses propres solutions, mais aussi le recrutement de spécialistes data en interne ou externe. Sans compter la formation des équipes, l’accompagnement au changement et la maintenance du modèle IA. De quoi hésiter à investir si l’on n’est pas en mesure d’établir clairement son retour sur investissement… « C’est pourquoi l’IA doit être considérée comme un investissement stratégique. Il ne faut pas chercher à l’imposer partout mais bien à réfléchir dans quelle fonction de l’entreprise, elle permettra de faire une réelle différence », insiste Aurélie Couvreur.
Redéfinir sa proposition de valeur
Traduction, conseil juridique ou de gestion, communication, … Dans plusieurs secteurs, l’IA a vocation à bouleverser profondément – voire remplacer - le core-business. Dans un monde ou la (re) production de connaissances ne constitue (presque) plus une valeur ajoutée, il s’agit donc de se réinventer. Mais comment ? Face aux moteurs de traduction, un bureau pourra miser sur l’expertise issue de la longue relation qu’il a entretenue avec ses clients historiques. En particulier, les glossaires techniques spécifiquement développés pour chacun·e d’elles·eux, que les traducteur·ices externes, avec le temps, ont fini par mieux maîtriser que leurs donneurs d’ordre eux-mêmes. Un·e consultant·e « repackagera » son savoir en formations « sur mesure ».
Reste que, avec un « premier jet » entièrement assumé par l’IA, chaque traduction ou slide de présentation réclamera beaucoup moins de temps de travail, ce dont le client est forcément conscient. « Un système basé sur des honoraires vous rend alors perdant dans tous les cas. Si vous dites ne pas utiliser l’IA, le client pensera que vous êtes à la traine. Et si vous confirmez que vous l’utilisez, il exigera alors un rabais », souligne Gaëlle Helsmoortel. D’où la nécessité de passer à un modèle de value based pricing, par exemple en appliquant un forfait.
Aurélie Couvreur cite encore ce cabinet d’avocats spécialisé en infraction routière. S’appuyant sur une base de données interne reprenant des années d’expertise (jugements, contraventions, plaidoyers…), l’IA rédige et fournit gratuitement une réponse de première ligne, orientant le ou la cliente sur le choix le plus judicieux entre procédure ou transaction. On le voit : embrasser l’IA, c’est aussi, souvent, accepter de se remettre profondément en question…
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