Traverser l’incertitude… en évitant les crises

31 octobre 2025 par
Philippe Beco

Réputationnelle, commerciale, financière, de gouvernance… Une « situation de crise » peut recouvrir des réalités différentes. Comment les prévenir au mieux ?

En ces temps d’instabilités auxquelles les entrepreneur·es bruxellois·es font face, Beci organisait fin septembre un séminaire sur les différents aspects de la gestion de crise, en collaboration avec les cabinets spécialisés akkanto, Catalyst et Fidal.

C’est que, comme la presse s’en est fait l’écho ces derniers mois, le nombre d’entreprises en difficultés a pris des proportions inquiétantes ces derniers mois. Avocat senior au sein du cabinet Fidal, Christophe Cornet confie avoir vu s’accumuler   les dossiers au sein de sa pratique. « Malheureusement, beaucoup arrivent trop tard, quand elles sont déjà au bord de la faillite », déplore-t-il. En cause, la perspective d’une cessation d’activité et de mauvaise publicité, ayant eu pour effet de paralyser les dirigeant·es - voire de les plonger dans le déni – plutôt que de les inciter à l’action.

Oter ses œillères, lever le nez du guidon… et anticiper les difficultés

Parfois, il peut plus prosaïquement s’agir d’ignorance ou d’inconsistance dans la gestion. « Du gérant d’un salon de coiffure au CEO d’une grande entreprise, chacun doit pourtant pouvoir reconnaître les signaux annonciateurs d’une crise. Pour cela, il faut d’abord être capable de lever le nez du guidon », insiste l’expert, qui a plusieurs fois constaté des dirigeant·es obnubilé·es par leur day-to-day, au point de passer à côté d’une mise en demeure de fournisseurs, de l’ONSS ou d’un rappel de TVA. « Or ce sont là autant de jalons qui génèrent des intérêts de retard et peuvent mener tout droit vers l’incapacité financière », met-il en garde.

Dialoguer avec son comptable

Mais de quels signaux annonciateurs parle-t-on ? On les trouvera notamment dans le bilan comptable d’une entreprise, un point d’entrée idéal pour déceler les faiblesses financières d’une société. Christophe Cornet évoque notamment l’évolution du chiffre d’affaires ou de l’endettement à court et long terme. Et bien sûr le niveau de trésorerie. « Une des clés est la bonne connaissance de ses besoins en fonds de roulement. A partir du moment où l’on maîtrise les échéances de paiements par ses clients et quels sont les délais que l’on impose à ses propres fournisseurs, on ne navigue plus à l’aveugle », témoigne-t-il.

Bien s’entourer

Au-delà, pour être sûr·e de rester sur les bons rails opérationnels et financiers, « il faut aussi accepter de se faire challenger par des professionnels autour de soi », insiste l’avocat. Même si une petite structure n’a pas toujours les moyens de se constituer un conseil d’administration de premier rang, entrer en dialogue ouvert avec sa ou son comptable, un·e auditeur·ice professionnel·e, un·e avocat·e ou mentor externe expérimenté·e peut être salvateur. De quoi être épaul·ée dans la mise en place de processus – enregistrement systématique des factures, suivi réguliers des paiements clients, etc… – qui assureront de la clarté dans les flux financiers et éclaireront sur la viabilité future d’un business.

Se mettre en position de négociation

Rebondir sur les signes avant-coureurs d’une crise financière, c’est aussi, avant que les choses ne tournent vraiment mal, se mettre dans la meilleure position de négociation possible vis-à-vis de ses créanciers, qu’ils soient privés ou institutionnels. « Il faut pouvoir démontrer que l’on est dans une situation d’endettement qui ne soit pas trop importante et gérable à terme. S’agissant des créanciers privés, on peut parfois compter sur l’élément de confiance. Mais lorsque des créanciers institutionnels, comme l’ONSS, sont amenés à douter de votre capacité, ils peuvent très vite dire stop et demander la faillite », témoigne l’avocat.

Le couperet serait-il donc si brutal ? « Quel que soit la situation, il existe toujours des marges de négociation », tempère l’expert. « Certains de mes clients, qui ont bien anticipé, ont assuré la survie de leur entreprise alors qu’ils en sont à leur 3eme ou 4eme plan de remboursement auprès d’institutionnels. Mais pour cela, il faut être en mesure de fournir des garanties de paiement et une situation saine quant aux créances privées. Et surtout, respecter les échéances institutionnelles qui ont été octroyées », insiste-t-il.

Responsabilité des dirigeant·es

De fait, le risque encouru par un·e dirigeant·e lors d’une faillite est beaucoup plus important en cas d’impayés auprès d’institutionnels, que lorsque l’on a uniquement affaire à des dettes commerciales. « En cas d’épuisement de la trésorerie, il faut donc établir une stratégie de remboursement et faire les bons arbitrages. L’enjeu est d’éviter l’accumulation de dettes vis-à-vis des institutionnels qui peuvent générer un effet boule de neige, tout en continuant à payer les créanciers dont les fournitures sont essentielles à la poursuite de l’activité », explique encore Christophe Cornet. Les enjeux personnels sont parfois énormes. « Trop souvent, des administrateurs se cloîtrent dans le « tout sauf la faillite ». Ils ignorent qu’ils sont dans l’obligation de prendre des mesures et de les documenter, et se retrouvent ensuite dans des actions en responsabilité engagée contre eux pour défaut d’aveu ou aveu tardif de faillite. Les conséquences financières peuvent être terribles ».

Des crises de différentes natures

Au-delà des complications financières, un contexte troublé peut se traduire en crises humaines, comme un conflit entre actionnaires. Ou des litiges commerciaux avec des client·es ou fournisseurs. Ou encore des disfonctionnements de production, comme des contaminations dans l’industrie agro-alimentaire. « Toutes ces situations peuvent mettre en péril la survie même de l’entreprise et ont à la fois des répercussions économiques, juridiques et d’image. Les décisions prises dans chacune de ces trois dimensions peuvent impacter positivement ou négativement les deux autres. Là encore, la responsabilité du dirigeant peut être engagée. Une approche rapide, holistique et collaborative fait donc totalement sens », conclut l’avocat.

Le CEd Relance est là pour guider les entreprises en difficultés, plus d'informations ici

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