La « Fondation I See » épaule les personnes malvoyantes dans l’accomplissement de leur potentiel. Cela peut passer, aussi, par l’entrepreneuriat.
Publiés en 2022, les chiffres d’Unia, l’ex-Centre fédéral pour l’égalité des chances, sont clairs. Bien plus que les critères raciaux, de convictions religieuses ou philosophiques, le handicap est le premier critère de discrimination à l’emploi à Bruxelles. Et d’après Statbel, seules 26% des personnes souffrant d’un handicap ont un emploi contre 65% de la population totale. Un problème vécu de façon très aigüe par les personnes aveugles ou malvoyantes, confrontées aux premiers obstacles dès lors qu’il s’agit de se rendre sur un lieu de travail. D’après une étude de la fondation Braille, la majorité ne se sentent pas en sécurité en rue, confrontées à de trop nombreux obstacles. Et seules 6% sont accompagnées par un chien-guide. Il faut en effet patienter au moins deux à trois ans avant de pouvoir disposer de l’un de ces fidèles compagnons.
C’est pour répondre à cette situation que Frédéric Storme a imaginé, il y a un peu plus de dix ans, la Fondation I see autour d’une équipe d’éducateur·rices canins. Bergers, labradors et autres golden retrievers y sont formés en étroite association avec leurs nouveaux ou nouvelles propriétaires afin de répondre au mieux à leurs besoins spécifiques.
Contribuer activement à la société
Depuis sa création, la fondation a considérablement élargi son domaine d’intervention, ajoutant à la problématique de la mobilité, celle de la formation, de l’intégration sociale, de la maîtrise des technologies et de la confiance en soi. Sa mission : permettre aux personnes malvoyantes de contribuer activement au développement de la société. « Bien au-delà du déplacement, nous voulons donc contribuer à leur autonomie de vie », explique Isabel Litvin, HR & Inclusion Manager. Progressivement, Fondation I see a ainsi développé un pôle d’accompagnement encourageant ses bénéficiaires - en particulier les jeunes - à forger des ambitions et à s’engager dans un projet personnel ou professionnel.
Profils de haut niveau
Car si la montée en puissance des politiques de diversité a permis d’ouvrir plus grands les portes des entreprises ces dernières années, les opportunités offertes demeurent souvent en deçà des compétences des candidat·es. « La communauté des personnes à déficience visuelle recèle pourtant des profils de haut niveau. Nous leur apprenons à entrer directement en contact avec les recruteurs et à communiquer les bons modes d’emploi – parfois très simples – pour une collaboration fructueuse, de façon à valoriser pleinement leurs diplômes, leur potentiel de développement et leurs talents », poursuit la responsable. Et à l’entendre, ces atouts sont nombreux. « Débrouillardise, proactivité, audace, sens de l’organisation, analyse des problèmes, esprit orienté vers les solutions créatives, capacités de communication et d’assertivité… Dans bien des cas, les personnes malvoyantes disposent d’efficiences bien supérieures à un candidat lambda », témoigne-t-elle.
Abattre les convictions limitantes
Au-delà d’accompagnements individuels, la fondation anime ainsi, avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin, divers séjours collectifs. Réunissant des jeunes en difficulté - handicaps, addictions, décrochages, etc… - ils permettent de se challenger et de soutenir mutuellement dans leurs projets, pour briser les convictions limitantes qui peuvent les entraver.
Avec l’AVIQ, la fondation est aussi engagée dans un programme de soutien à la création d’activités. S’ils sont exposés aux mêmes risques que tout autre porteur·se de projet, les handipreneur·es bénéficient, en vertu de ce programme, d’accompagnements et de filets de sécurité plus importants. « L’entrepreneuriat attire trop peu les personnes porteuses de handicaps », observe Isabel Litvin. « Quand on a des idées, du courage et de la compétence, c’est pourtant une formidable piste de développement personnel ! »