Business in Harmony : ode à l’inclusion

2 mai 2019 par
BECI Community

Un monde entrepreneurial où la complémentarité des compétences prime sur la question de genre. Une utopie ? Beci et ses membres en ont récemment débattu.

D’entrée de jeu, Cécile Huylebroeck, Conseillère Emploi de Beci et modératrice de l’événement, a averti l’assemblée que l’inclusion serait au coeur des échanges. Et, de fait, les différents intervenants, experts et témoins, se sont rejoints sur ces deux constats : les lacunes de la politique managériale actuelle et la nécessité de développer l’inclusion dans l’entreprise.

 

En route vers l’inclusion

L’honneur d’introduire le sujet est revenu à Martine Tempels, vice-présidente de Telenet. D’emblée, elle a suggéré à l’assistance de se compter en signalant qu’il n’est ni courant ni banal de retrouver une telle proportion de femmes dans les instances dirigeantes de l’entreprise… même si les choses sont en train de changer sur cette question identifiée depuis une trentaine d’années. Martine Tempels a rappelé quelques jalons de ce débat : la lettre ouverte adressée aux CEO à l’occasion de la journée de la femme en 2005 pour les inciter à plus de diversité ; ce discours de 2012 où, élue ICT Woman of the Year, elle a pour la première fois de sa carrière pris la parole devant une assemblée où régnait la diversité et en a ressenti une grande satisfaction. Elle a aussi saisi l’occasion pour rendre un hommage appuyé à John Porter, le CEO de Telenet qui, sous l’influence de sa mère Sandra Van Fossen, professeure et féministe de la première heure, a vigoureusement oeuvré pour la parité au sein du comité de direction de l’entreprise. « Mais », a-t-elle insisté, « il y a encore du travail ! »

 

L’expérience du terrain

Qu’en disent les CEO venus partager leur expérience ? Caroline Mancel, Directrice générale d’Actiris, est à la tête d’une structure publique dont le personnel, management compris, est composé à 66 % de femmes et dont le comité de direction est composé de sept femmes et quatre hommes. Situation bien différente de ce que relatent Cécile Vicard, ingénieure civile de formation et co-fondatrice de Cream Consulting, Luc Lallemand, n°1 d’Infrabel, et Jean-Paul Van Avermaet, patron pour la Belgique, la France, le Luxembourg et le Maroc de G4S, tous trois actifs dans des secteurs réputés masculins. Cécile Vicard considère que le genre n’est qu’un des éléments de la diversité. Elle traque au sein de ses équipes toute manifestation même insidieuse de discrimination et veille à ce que des femmes soient les ‘role models’ de jeunes managers masculins afin de les amener dans le futur à considérer positivement l’accession de femmes à des postes managériaux. Luc Lallemand est fier de son comité de direction paritaire mais reconnaît des statistiques contrastées en matière d’inclusion, avec un taux de 52 % de femmes parmi les jeunes cadres universitaires hors ingénierie, mais 10 % à peine de femmes parmi les ingénieurs et techniciens. Quant à Jean-Paul Van Avermaet, il réaffirme l’importance de la complémentarité et affirme sa volonté d’attirer un nombre croissant de femmes dans son entreprise, à l’image du cas de l’Autriche qui affiche 35 à 36 % de collaboratrices dans le secteur de la sécurité. « Nous devons être le miroir de la société », affirme-t-il.

©Reporters – De gauche à droite : Bernard Fusulier, Diane Thibaut, Elke Jeurissen, Alan Keepen et Cécile Huylebroeck.

 

La face cachée du perfectionnisme

Ces différents témoignages confirment l’analyse des experts qui se penchent sur le thème de l’inclusion en entreprise. Le sociologue et directeur de recherche au FNRS, Bernard Fusulier, commente : « Dans notre société, la différenciation dans l’éducation et la socialisation intervient dès la naissance, avec pour conséquence des formes de hiérarchisation entre masculin et féminin. L’alibi de la nature est souvent utilisé pour expliquer des différences ou une domination. Il est important de pouvoir aller à son encontre, de déconstruire les stéréotypes. » Et la coach Diane Thibaut d’abonder en ce sens en pointant les barrières internes qui font des femmes des complices inconscientes de la reproduction des attentes sociales. Elle propose l’exemple inspirant de l’Islande, avec son congé de paternité obligatoire pour les hommes et son programme scolaire parfaitement identique pour les petites filles et les petits garçons.

En écho, Luc Lallemand constate que les femmes de son entourage professionnel ne se posent pas nécessairement en alliées pour pousser la ‘gender equality’, par crainte de se faire taxer de partialité. Ce à quoi Martine Tempels répond que les femmes, étant perfectionnistes, ne veulent pas être choisies en raison de leur genre, mais à l’issue d’une vraie procédure de sélection !

 

De la théorie à la pratique

L’auteure féministe Elke Jeurissen qui, pour son dernier ouvrage « Who run the World »1 a rencontré trente décideuses, propose trois pistes pour améliorer l’inclusion :accorder la plus grande attention à l’éducation des enfants, ne pas mésestimer l’importance du choix du partenaire et de l’aide concrète qu’il pourra apporter à sa compagne, et modifier l’organisation des entreprises. Les témoins abondent dans son sens : Jean-Paul Van Avermaet pointe lui aussi les lacunes de notre enseignement et de l’éducation que nous donnons à nos enfants. Caroline Mancel, échaudée par sa première recherche d’emploi, qui s’est soldée par un poste de secrétaire malgré ses deux diplômes universitaires, est très attentive à l’exemple qu’elle donne à sa fille. Alan Keepen, confronté à de nouvelles responsabilités professionnelles de sa compagne peu de temps après la naissance de leur fille, a pris le relais et endossé un rôle de père beaucoup plus important que celui imposé culturellement aux hommes. Cela lui a inspiré la création de Kokcinelo, structure qui propose des solutions innovantes en gestion des ressources humaines, notamment en termes de soutien à la parentalité, ainsi qu’un soutien aux porteurs de projets dans le domaine de l’accueil de la petite enfance.

Jean-Paul Van Avermaet et Luc Lallemand ont tous deux accordé une place primordiale à l’éducation de leurs enfants. « Mes collaborateurs ont toujours su que mes filles avaient la priorité », affirme le premier, tandis que le second constate : « Concilier éducation des enfants et poste de management est possible avec une bonne dose d’organisation, mais je ne regrette qu’une chose : ne pas avoir partagé plus rapidement mon expérience avec mes équipes. » De l’avis général, même si la partie n’est pas encore gagnée, les jeunes hommes, bien décidés à préserver un équilibre harmonieux entre carrière et vie privée, sont d’importants facteurs de changement.

 

Le genre ne peut plus être déterminant

Bianca Debaets, secrétaire d’État bruxelloise chargée de l’égalité des chances, a clôturé la rencontre en rappelant les progrès effectués depuis 1948 et l’octroi du droit de vote aux femmes, mais en pointant aussi les chiffres encore trop faibles de la présence féminine dans les instances dirigeantes des entreprises. Elle a plaidé pour l’introduction à titre temporaire de quotas pour booster l’entreprenariat féminin car, dit-elle, il est bon pour tout le monde. Et Cécile Vicard de nous confier en conclusion : « Assez tôt, j’ai décidé que mon genre ne déterminerait pas ce que j’allais faire. »

 

in ESG
BECI Community 2 mai 2019
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