Construction circulaire : des déchets en moins, des ressources et des emplois en plus

10 juin 2019 par
BECI Community

À Bruxelles, la re-construction a été identifiée de longue date comme un vecteur possible de remise à l’emploi. Aujourd’hui, le frémissement semble sur le point de se transformer en vrombissement. Un peu partout sur le territoire de Bruxelles-Capitale, on voit émerger des chantiers qui font la part belle à la réutilisation, à l’upcycling, à l’urban mining. Bref, au circulaire. 

 

C’est le palmarès de l’appel à projets Be Circular, édition 2019, qui nous en a fait prendre conscience : en Région Bruxelloise, en termes de construction circulaire, une page est en train de se tourner. Pas seulement dans les projets neufs, mais aussi dans les chantiers de reconstruction. Parmi les lauréats qui ont fait forte impression, on trouve par exemple Alexis Pierrard. Sur le chantier Warland qu’il a mené pour un particulier, cet entrepreneur à la tête de la PME Global Art Concept a récupéré du marbre de Carrare qui aurait sinon tristement fini comme matériau de remblai ; il a aussi travaillé avec du plancher de réemploi en privilégiant le liège et le caoutchouc comme sous-couche. Une pratique certes inhabituelle, mais qui présente le mérite de la circularité. Alexis Pierrard l’admet volontiers : dans son cas, la démarché a exigé plus de réflexion et a donc été plus coûteuse qu’une démarche classique, mais cela a apporté, à lui et au donneur d’ordres, la grande satisfaction de contribuer à la circularité de la construction. Et puis, il aurait été dommage de voir un marbre d’une valeur de 80 à 150 euros le m² utilisé comme sous-couche d’une vulgaire route… 

 

60 m³ de briques 

Autre lieu, autre problématique et autres volumes de matières. Cette fois, nous sommes à Bruxelles-Ville avec lentreprise Jacques Delens, sur le site d’une ancienne fonderie entièrement rénovée. Outre le fait que l’enveloppe extérieure a été presque intégralement maintenue, ce sont pas moins de 60m³ de briques qui ont été réutilisés sur le site. À la clé, un double avantage : la production de matériaux neufs et donc la consommation de ressources sont évitées et le volume de déchets maintenu à zéro. Pour Arnaud Dawans, dirigeant R&D chez Jacques Delens, cette démarche n’est pas forcément évidente, mais elle a le mérite « d’amener le secteur à se poser les bonnes questions et, ensuite, poser les bons gestes ». Quand on sait que tout a été fait à un coût identique à celui de la brique neuve, cela aurait été dommage de s’en priver…  

Ces candidats, Marie-Laure Maerckx a eu l’occasion de les suivre à la trace tout au long de leur expérience. Consultante senior au sein de Cenergie, l’un des bureaux mandatés dans le cadre de Be Circular, elle a eu

Alexis Pierrard, lauréat de BeCircular.

maintes fois l’occasion de voir son intuition confirmée : « Construire circulaire, ce n’est pas qu’une question technique, de briques que l’on déciderait par exemple de récupérer et de remettre en service. La construction circulaire, c’est aussi et peut-être surtout une série de paramètres humains à prendre en compte, avec de nouveaux modes de collaboration à mettre en place ». Cela implique donc une évolution des mentalités au sein des corps de métiers, mais aussi auprès des donneurs d’ordres. Et Marie-Laure Maerckx d’évoquer cette histoire de vieux parquet que le propriétaire d’un immeuble en réfection a finalement décidé de garder, alors que ce n’était pas prévu. Bien sûr, cela implique parfois un allongement de la durée du chantier, voire un accroissement budgétaire, mais visiblement, le réflexe semble désormais s’installer dans les esprits de chacun. 

 

Matériaux faciles à déconstruire 

Tous ces changements s’appuient sur la volonté farouche des certains entrepreneurs et donneurs d’ordres de faire les choses différemment. Mais il faut admettre que le mouvement, amorcé par la Région, encadré par Bruxelles Environnement et techniquement relayé par des organismes comme la Confédération Construction, a grandement aidé les porteurs à sortir des zones d’incertitude qui persistaient. Il y a quelques jours, les actes des séminaires Bâtiment durable 2019 ont été publiés. Ils constituent une véritable mine pour qui veut véritablement composer de manière durable avec la construction ou la rénovation de son bâtiment. Ambroise Romnée, Project Leader au Centre Scientifique et Technique de la Construction : « Les expériences que nous avons pu suivre sur le terrain nous ont permis d’établir le b.a.-ba. de la construction circulaire à partir de principes simples, comme de minimiser les types de matériaux différents, éviter les composites inséparables, mettre en adéquation la durée de vie des matériaux avec la strate fonctionnelle, mais aussi de jouer totalement la carte de la réversibilité avec une approche modulaire, préserver une bonne visibilité des points de connexion ou encore préférer des matériaux préfabriqués, avec des matériaux de construction qui soient faciles à manipuler et à déconstruire. Il s ‘agit en effet de donner au bâtiment le maximum de possibilités pour s’adapter à un environnement souvent changeant, et se projeter à la fin de la première vie du bâtiment ». En disant cela, le CSTC ne dit rien d’autre que ce que disait déjà Le Corbusier, ce grand monsieur de l’architecture, qui a très clairement été le premier à écrire les fondements de la construction circulaire (voir encadré). 

Urban mining et économie servicielle 

Selon Ambroise Romnée, s’engager dans un projet de construction circulaire, c’est assurément prendre le projet à l’envers, en commençant… par la fin, là où on penserait devoir fonctionner très en amont. C’est évidemment aussi, encore et toujours, éviter la production de déchets et les émissions de gaz à effet de serre. En Région de Bruxelles-Capitale, il faut le savoir, le secteur génère environ un tiers de tous les déchets. Cela représentent tout de même 645.000 tonnes par an, souligne lingénieur. Mais ce qui est véritablement neuf avec cette démarche, c’est que l’urban mining amène à mobiliser beaucoup plus de main-d’œuvre plus ou moins qualifiée, en amont et en aval du chantier : « Pensons notamment à la manutention, au stockage, au reconditionnement, à la documentation, à la promotion et à la revente (ndlr : des matériaux récupérés). De même, la mise sur le marché d’éléments de réemploi s’organise autour de plusieurs fonctions : logistique (magasinier, transport…), documentaire (description et recherche d’informations sur le produit), technique (réparation et remise en état, documentation technique) et la fonction commerciale avec de la vente, des commandes, de la comptabilité et même du service après-vente ».  

Bref, l’économie circulaire créée aussi de l’emploi, en tapant sur le clou des services. 

 

Le Corbusier, véritable initiateur de la construction circulaire

En privilégiant la modularité, et surtout en pensant cette modularité dans ses moindres détails, Le Corbusier pensait les vies du bâtiment, ou plutôt les différents usages qu’il pourrait avoir tout au long de ses différentes vies. Pour le célèbre architecte, il était en effet important d’arrêter de concevoir les constructions de manière monomaniaque, avec une répartition des usages, une distribution des espaces qu’on croirait pensée « à usage unique ». Fini le salon qui restera un salon, la cuisine qui, pensée comme une cuisine, et ne pourra jamais être qu’une cuisine et les chambres qui ne pourront jamais être rien d’autre que des chambres. Idem pour les immeubles tertiaires, avec des bureaux qui peuvent un jour devenir des logements, et des espaces de stockage qui peuvent être transformés en lofts.

 

BECI Community 10 juin 2019
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