La Suède adhère à l'OTAN : un changement de politique historique

28 mai 2024 par
Alanah Reynor

La Suède a longtemps conservé sa position de neutralité dans les conflits internationaux. L'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 a pourtant décidé l’État scandinave à rejoindre l'OTAN en début 2024. La Suède est un petit pays, mais son entrée dans l'alliance fait la différence, tant sur le plan géopolitique que militaire.

L'OTAN – l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord – est une alliance militaire fondée en 1949 par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Belgique, le Danemark, la France, l'Islande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et le Portugal. Elle avait pour objectif de bloquer l'expansion de l'Union soviétique. Les pays fondateurs ont dès lors signé un traité stipulant que « une attaque armée contre un ou plusieurs d’entre eux... sera considérée comme une attaque contre tous ». La Belgique accueille le siège militaire et politique de l'Alliance depuis 1967.

La Suède et la Finlande ont toutes deux déposé une demande d'adhésion à l'OTAN en mai 2022, à peine trois mois après l'invasion ruse de l'Ukraine. La Finlande, qu’une frontière de 1.300 km sépare de la Russie, a officiellement adhéré moins d'un an plus tard, en avril 2023. Quant à l'accession de la Suède, elle a finalement été officialisée le 7 mars 2024, lorsque le Premier Ministre suédois Ulf Kristersson a remis les documents d'adhésion au Département d'État américain (l’équivalent du Ministère des Affaires étrangères), à Washington.

La Suède se distingue depuis longtemps par sa « politique de neutralité et de non-alignement, dont le roi Karl XIV Johan a jeté les bases en 1812 ». Le ministre des Affaires étrangères Tobias Billström lui a d’ailleurs rendu hommage dans une déclaration au gouvernement suédois. Cette politique a été mise à l'épreuve à de nombreuses reprises, mais les récents recours à la force militaire par la Russie sont trop dangereux pour être ignorés. Selon le rapport 2024 du Forum économique mondial sur les risques mondiaux, les conflits armés entre États constituent l'un des principaux risques auxquels le monde est confronté aujourd'hui.

« L'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN est l'un des plus grands changements géopolitiques en Europe depuis la chute du mur de Berlin. »
– Tobias Billström, ministre suédois des Affaires étrangères 


La route vers l'adhésion a été ardue pour la Suède. Il faut dire que deux États membres de l'OTAN – la Turquie et la Hongrie – ont d’abord refusé d’y consentir. La Turquie n’a pas voulu donner le feu vert à la Suède en raison d'un différend concernant le soutien apporté par la Suède aux séparatistes kurdes, que la Turquie assimile à un groupe terroriste. La Hongrie a, pour sa part, levé finalement son veto après que le Premier Ministre Ulf Kristersson s’est rendu à Budapest et a accepté de fournir au pays quatre avions de combat Saab Gripen C de plus, ainsi que dix années supplémentaires de soutien technique et de logistique pour la flotte hongroise existante.

Après l'annexion de la Crimée par la Russie, les membres de l'OTAN ont décidé en 2014 de consacrer au moins 2 % de leur PIB à la défense. En 2023, cependant, seuls 11 des 31 membres que comptait l'alliance d’alors avaient atteint cet objectif. On s'attend à ce que ce chiffre passe à 18 membres en 2024. La Suède n'a consacré que 1,54 % de son PIB à la défense en 2023, mais M. Billström a déclaré : « Les dépenses de défense de la Suède dépasseront les 2 % du PIB cette année, ce qui devrait être considéré comme un minimum. Nous, Européens, devrions assumer une plus grande responsabilité dans les relations transatlantiques, créant ainsi une Europe plus forte au sein de l'OTAN. »

Avec l'adhésion de la Suède à l'OTAN, les membres de l'Alliance encerclent désormais la Mer Baltique. Cela permet à l'OTAN de mieux contrôler la région et de surveiller les pipelines et les câbles sous-marins essentiels. Bien qu'elle ne compte que 10 millions d'habitants, la Suède dispose d'une capacité militaire enviable et d'une expertise considérable en matière de défense. Son industrie est orientée vers l'exportation, ce qui offre à l'OTAN l’accès à des équipements qu'elle ne possédait pas auparavant. Le pays possède des équipements militaires de classe mondiale, notamment des chasseurs supersoniques Saab JAS 38 Gripen, des sous-marins de classe Gotland et des missiles antinavires RBS15. En plus de ces équipements, la Suède est le cinquième pays de l'alliance en nombre de véhicules blindés de transport de troupes. 

© NATO – Levée du drapeau suédois lors de la cérémonie d'adhésion du 11 mars 2024

© NATO – Levée du drapeau suédois lors de la cérémonie d'adhésion du 11 mars 2024


Bien que l'adhésion à l'OTAN semble une étape naturelle pour la Suède, certains s'inquiètent du changement d'identité qu'elle pourrait induire. Kerstin Bergea, présidente de la Svenska Freds- och Skiljedomsföreningen, l’association suédoise pour la paix et l'arbitrage, a déclaré : « La voix de la Suède, historiquement forte sur les questions de paix et de désarmement, semble aujourd’hui éteinte. Or, l’activisme pour la paix fait partie de notre ADN ». Le gouvernement suédois maintient toutefois que cette décision est « fondamentale pour notre sécurité et notre liberté » et que, comme d'autres pays nordiques, il ne voit « aucune raison d'implanter des armes nucléaires ou des bases permanentes sur le territoire suédois en temps de paix ».

Le président Poutine a cherché à endiguer toute expansion de l'alliance en envahissant l'Ukraine, soi-disant en réponse à la proximité excessive de l'OTAN des frontières russes. L'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'alliance ne faisait certainement pas partie de ses projets. La Russie a d'ailleurs menacé de prendre des « contre-mesures politiques et militaro-techniques ». L'élargissement de l'OTAN ne devrait toutefois pas s'arrêter là. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN était « inévitable » une fois la guerre avec la Russie terminée. La Géorgie et la Bosnie-et-Herzégovine espèrent également rejoindre l'alliance.

« Lorsque le président Poutine a lancé son invasion massive il y a deux ans, il voulait moins d'OTAN et plus de contrôle sur ses voisins. Il voulait détruire l'Ukraine en tant qu'État souverain. Mais il a échoué. L'OTAN est plus grande et plus forte. Et l'Ukraine n'a jamais été aussi proche de l'adhésion à l'OTAN. Tandis que les Ukrainiens continuent de lutter avec bravoure pour leur liberté, nous nous tenons à leurs côtés ». – Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN.

Alanah Reynor 28 mai 2024
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