Smart mobility : quand l'intelligence prend le volant

11 octobre 2018 par
BECI Community

La nécessité de faire circuler les biens et les personnes de manière plus fluide est une évidence dont les responsables politiques et publics sont bien conscients à Bruxelles. Pour aller plus loin, sans doute n’est-il pas inutile de regarder ailleurs, pour voir ce qui se fait dans d’autres grandes villes.

Ne nous attardons pas sur le cas de Paris dans la mesure où la ville lumière a une taille bien différente de Bruxelles : on y compte 2,2 millions d’habitants (Paris intra-muros), mais surtout une densité trois fois plus élevée qu’à Bruxelles (7.500 hab./km² à Bruxelles contre plus de 20.000 à Paris). En revanche, avec sa densité de 5.000 hab./km², la mobilité bordelaise évolue dans un contexte assez proche de notre région. Autre élément intéressant : la capitale du vin a un petit lien avec Bruxelles dans la mesure où, en cas d’embouteillages, l’accès « goutte-à-goutte » à sa rocade (équivalent de notre Ring) est géré en partie grâce au savoir-faire de Macq, une entreprise… bruxelloise, forte d’un effectif de 100 personnes et capable de fournir et d’installer dans un mode ‘turnkey’ des caméras intelligentes adaptées à l’analyse du trafic. Macq propose aussi, comme elle l’a fait à Bordeaux, de la télé-gestion d’accès aux voies de circulation: « Une fois placées, nos caméras peuvent voir leurs fonctions complétées. On peut commencer avec des fonctions conventionnelles de contrôle de vitesse et ensuite passer à des contrôles adaptés à la détection des véhicules polluants, dans le cadre de la gestion de zones d’émissions ou à la détection de camions ADR, etc. », nous explique François Macq.

L’effet fou des escaliers et des escalators

D’autres exemples totalement méconnus sont également très inspirants. Comme celui de Bilbao, au pays basque (350.000 habitants pour une densité de 8.300 hab./km²). Cette ville figure parmi celles d’Espagne où le nombre de déplacement à pied est le plus élevé et la possession de véhicules à moteur le plus bas. Une étude menée en 2014 par l’Observatory of Metropolitan Mobility a permis d’établir que 62,3 % des déplacements se faisaient à pied et seulement 10,9 % en véhicule à moteur. Selon l’Observatoire, cela tient à la grande mixité du tissu urbain avec un mélange inédit d’activités liées à des fonctions économiques, résidentielles et récréatives du noyau urbain. Pour soutenir les modes de déplacement alternatifs, ce sont des recettes simples mais éprouvées que Bilbao a décidé d’appliquer. Comme le développement de grands trottoirs ou d’un large réseau de pistes cyclables, mais aussi la suppression de ce que les urbanistes appellent les « barrières architecturales ». À cet égard, l’aménagement d’escaliers et d’escalators a grandement contribué à résoudre le problème, en évitant les cassures dans les trajets des piétons et des cyclistes.

Péage inversé à Rotterdam et Lille

À Lille, le développement des nouvelles mobilités n’est évidemment pas neuf. On y a déjà développé un beau réseau de pistes cyclables, des services de vélos partagés en libre service (V’Lille), des aides à l’achat de vélos traditionnels et électriques (respectivement plafonnées à 150 et à 300 euros), qui peuvent être comparées aux 500 euros octroyés à celles et ceux qui font le choix du vélo à Bruxelles (qu’il soit électrique ou non), à cette différence qu’à Bruxelles, cela implique de faire radier sa plaque d’immatriculation. C’est également à Lille que l’on a décidé de passer au braquet supérieur en matière de mobilité, avec une démarche de péage inversé porté par la Métropole Européenne de Lille (MEL).

Inspiré de ce qui se fait déjà à Rotterdam et à Stockholm depuis 2010, le péage inversé sera déployé à Lille dès la fin de cette année sur les deux premiers axes importants que sont l’A1 et l’A23. Il permettra aux conducteurs « intelligents » de bénéficier de 2 euros par trajet « évité ». Concrètement, une première phase permettra d’identifier les conducteurs empruntant ces axes de manière régulière. Les plaques d’immatriculation seront reconnues et les adresses des conducteurs retrouvées. Il leur sera ensuite proposé de participer en tant que volontaires à une expérience d’un mois pendant laquelle ils recevront 2 euros chaque fois qu’ils laissent leur voiture au garage (au moins en heure de pointe), avec un maximum de 80 euros par mois. Le contrôle sera effectué par la combinaison de données GPS et de la lecture des plaques.

Autre différence notable entre Lille et Bruxelles, mais au niveau du métro et des bus cette fois : la tolérance vis-à-vis du vélo semble y être plus importante. Même plié, il faut savoir que le vélo n’est admis dans le métro bruxellois qu’en dehors des heures de pointe. Inutile donc de l’emporter avec vous du lundi au vendredi de 7h à 9h et de 16h à 18h30 : vous risquez en effet d’être refoulé. À Lille par contre, le vélo est admis sur toutes les lignes de Transpole quelle que soit l’heure, pourvu qu’il soit plié.

L’ingéniosité d’un ancien de Google

Au rang des innovations technologiques, il faut citer cette initiative ambitieuse d’Amat Yusuf. Après un passage par Google, Amat a développé Citymapper dès 2011 : une application mobile permettant de consulter l’ensemble de l’offre pour les déplacements urbains et de calculer accessoirement les durées d’itinéraires. Au départ, l’application se limitait à quelques très grandes villes comme Londres, Berlin, Tokyo, Paris ou New-York, mais aujourd’hui, elle couvre un très large éventail, y compris à des villes plus « petites » comme Bruxelles ou Toronto (2 millions d’habitants pour une densité de 1.000 hab./km²). Un test effectué au départ du domicile de votre serviteur (à Villers-la-Ville, en Brabant wallon) s’est montré très concluant, preuve que l’appli dépasse les seules frontières de Bruxelles-Capitale. Nous avons même essayé des trajets qu’un navetteur emprunterait vers la capitale au départ d’endroits improbables comme Houte-Si-Plou (Neupré). Là encore, le test a permis de bénéficier d’une description complète et exacte du trajet à effectuer et des transports en commun à emprunter pour atteindre la destination. L’appli donne en outre, en temps réel, toutes les combinaisons des modes de transport, en ce compris vélo, Villo, taxis, Uber etc. Récemment, Citymapper a décidé d’aller un pas plus loin en tirant parti des infos collectées sur base des utilisateurs pour mettre en place SmartRide à Londres, un service de transport hybride à mi-chemin entre le bus et le taxi.

Le MaaS comme modèle disruptif

À Oslo, les décideurs politiques ont réalisé qu’il fallait transformer la mobilité en quelque chose de spontané, d’aussi naturel que la consommation d’énergie : « Lorsqu’on doit recharger son portable, on entre dans un café ou dans une galerie commerçante et on trouve sans peine une prise électrique pour recharger son équipement. Les choses devraient être aussi simples avec l’offre de transport », résume Endre Angelvik, le vice-président chargé des services de mobilité de Ruter, l’autorité du transport public de la région d’Oslo. Et pour parvenir à instiller cette fluidité, Oslo s’est penchée sur l’analyse de quatre grandes tendances : l’urbanisation, le développement durable, la digitalisation et l’individualisation, qui restait encore jusqu’il y a peu le vrai point fort de la voiture. Il semble que le ressort principal du processus de décision repose sur la libération importante du budget jusque-là consacré à la voiture, et qui peut être désormais affecté à d’autres postes plus intéressants (lire à ce sujet les rapports des experts californiens Tony Seba et James Arbib, ‘Clean Disruption of Energy and Transportation’ et ‘Rethinking Transportation 2020-2030’).

Minicars sur pilote automatique

Les Norvégiens vont plus loin encore : le pays pousse des modèles toujours plus disruptifs, comme à Oslo ou Stavanger, où des minicars automatiques proposés par les français Navya et EasyMile ont été introduits dans la circulation. À Forus, district industriel de la ville de Stavanger, le minicar proposé par EasyMile et géré par Kolombus (l’équivalent de la Stib) opère ainsi depuis juin en conditions réelles. Sur un tronçon de 1,2 km, il dessert à intervalles réguliers des zones fréquentées par des entreprises, l’idée étant de faciliter l’accès aux transports en commun depuis le lieu de travail. Électrique, le minicar peut emmener jusqu’à 12 personnes à une vitesse maximale de 25 km/h. Il était prévu que la législation norvégienne évolue. Ce sera le cas… avec toutefois la mise en place de quelques garde-fous : ainsi, la vitesse maximale sera limitée à 12 km/h, le minicar devra limiter à six le nombre de passagers transportés ; en outre, un opérateur de la société de transport devra toujours être à bord pour intervenir en cas de problème.

BECI Community 11 octobre 2018
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