Comment favoriser l’entrepreneuriat et répondre aux pénuries de main-d’œuvre ?

27 juin 2023 par
BECI Community

La création d’entreprises pérennes et la mise à disposition d’une main d’œuvre réellement qualifiée, notamment dans la maîtrise des outils numériques, font partie des préoccupations prioritaires d’une chambre de commerce. Même si à Bruxelles, la situation est loin d’être catastrophique, on se dit qu’on pourrait tout de même faire mieux. Dans le secteur de la formation et en matière d’aides publiques, quelles sont les initiatives pour répondre à ces défis ? Bernard Clerfayt, ministre bruxellois en charge de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de la Transition numérique, et Emmanuelle Havrenne, Directrice-Présidente de la Haute Ecole EPHEC, répondent avec énergie qu’un maximum est fait pour aboutir à des résultats probants.

Quelles solutions mettez-vous en place pour favoriser l’entrepreneuriat à Bruxelles ?

Emmanuelle Havrenne : « L’EPHEC est reconnue comme école entrepreneuriale. À ce titre, elle est subventionnée par la Région bruxelloise depuis 2016. Notre volet entreprenariat, EPHEC Entreprendre, propose à ses apprenants un statut d’étudiantentrepreneur. Ceci permet de concilier plus facilement études et création d’entreprises. Qu’ils aient une simple idée de projet ou un concept déjà plus développé, ils sont accompagnés et coachés. EPHEC Entreprendre fait partie du réseau 1819 et offre aussi, aux étudiants porteurs de projets, un accès facilité à des financements auprès de Finance & Invest.brussels. Nous obtenons ainsi un taux de conversion important, qui se traduit par la création réelle d’entreprises pérennes au sortir de notre programme. Cet esprit d’entreprendre s’inscrit par ailleurs dans tous nos autres cursus ainsi que dans l’expérience internationale que nous proposons à chaque étudiant ; nous disposons d’un réseau de quelque 200 partenaires en et hors Europe. »

Bernard Clerfayt : « À Bruxelles, nous disposons en effet d’excellentes écoles qui forment des entrepreneurs et des cadres d’entreprise. En tant que ministre de l’Emploi, je cherche notamment à accompagner tout chercheur d’emploi désireux de s’installer comme indépendant ou entrepreneur. Afin de les aider à se lancer, l’un de nos programmes leur accorde une prime mensuelle pouvant atteindre 4.000 euros durant les six premiers mois de leur activité. Cet incitant financier est complété par un accompagnement du hub de l’administration bruxelloise en matière de plan financier, de compatibilité de leur projet avec le marché, etc. »

Quelles sont les autres initiatives en matière d’accompagnement ?

B. C. : « Un mécanisme qui connaît beaucoup de succès ces derniers temps est la coopérative d’activité. Via cette structure, les porteurs de projets bénéficient de toutes les caractéristiques d’une entreprise – dont un numéro de TVA -, d’un coaching pour le développement de leur projet et d’un accompagnement au niveau comptable et marketing. Au bout d’un certain temps, certains projets sont suffisamment mûrs pour voler de leurs propres ailes. Enfin, mentionnons aussi le récent programme Reload Yourself. Il consiste en une coopérative qui permet de reprendre une entreprise, par exemple en difficulté ou dont le patron part à la pension. Le candidat-repreneur bénéficie d’un coaching et d’un accompagnement de deux ans dans divers domaines. Ce programme original évite aussi de devoir racheter tout de suite un fonds de commerce. »

Comment répondre efficacement aux problèmes de pénuries de main d’œuvre ?

B. C. : « Nos organismes de formation professionnelle sont mobilisés sur cette question. Nous travaillons entre autres sur le choix des filières dans les études secondaires, supérieures etuniversitaires, ainsi que sur les reconversions professionnelles. Les chercheurs d’emploi inscrits chez Actiris bénéficient en outre d’une très large palette de formations, en partenariat avecBruxelles Formation et le VDAB ; plus de 20.000 personnes ont ainsi été formées l’année passée. Outre les formations qualifiantes, on en a aussi pour des publics plus spécifiques : en langue pour les personnes venant de l’étranger ; de remise à niveau pour des mères de famille revenant sur le marché du travail après une longue période ; etc. À côté de ça, on a aussi la formation professionnelle individuelle en entreprise de 6 à 12 mois, où la personne est payée durant sa formation sur mesure dans l’entreprise et où elle est formée par rapport aux besoins spécifiques de celle-ci. Cette formule très efficace concerne environ 1.000 personnes par an et aboutit à un taux de 80 % de mise à l’emploi. »

E. H. : « Au niveau de l’EPHEC, nous répondons à la pénurie de main-d’œuvre par l’offre de formation de nos trois écoles : la Haute École, l’École Supérieure de Promotion Sociale – en cours du soir – et l’École de Formation Continue, qui propose des programmes courts et sur mesure. Nous sommes dans une optique d’apprentissage tout au long de la vie. Nous développons une pédagogie réellement pratique et professionnalisante. Les étudiants réalisent entre autres des travaux sur la base de commandes émanant directement d’entreprises. Durant la crise sanitaire par exemple, nos étudiants en e-business ont développé des sites web de commande de repas en ligne pour le secteur Horeca, puisque seule la livraison était encore autorisée. Autres exemples : nos étudiants de la filière International Business réalisent des études de marché à l’étranger pour des entreprises situées en Belgique ; chaque année, nos étudiants en marketing sont challengés et mis en compétition par une entreprise afin de fournir la stratégie marketing la plus adaptée à cette entreprise. »

Dans quelle mesure votre établissement scolaire est-il en lien étroit avec les milieux professionnels ?

E. H. : « Le corps professoral est notamment composé de personnes issues du monde de l’entreprise. C’est indispensable, entre autres pour les spécialisations et les cours techniques plus pointus. Notre lien avec le milieu professionnel se traduit aussi par le fait que chacune de nos formations dispose d’un ‘advisory council’ – un conseil consultatif – composé de professionnels qui relaient les besoins et préoccupations des employeurs. Sur cette base, nous revoyons chaque année nos programmes de formation et les adaptons si besoin. Ce qui guide en réalité nos actions, ce sont les résultats que nous obtenons : la moitié de nos étudiants arrive sur le marché de l’emploi après un premier cycle de formation, tandis que l’autre moitié décide de poursuivre leur cursus. »

Comment la transformation numérique se traduitelle actuellement dans le secteur de la formation professionnelle ?

B. C. : « Il est évident que la formation en compétences numériques est essentielle. L’offre de Bruxelles Formation représente 4 millions d’heures de cours par an, dont 800.000 dans le secteur ICT. Il y a tous les niveaux, de la formation de base jusqu’aux formations très poussées. Nous avons également une grande nouveauté pour tous les chercheurs d’emploi inscrits chez Actiris : nous avons imposé un bilan de compétences, notamment linguistiques et numériques, afin d’en vérifier la réalité, car jusqu’ici leurs compétences étaient purement déclaratives. Les résultats de ce bilan permettent ensuite d’orienter leur programme de formation individuel. »

E. H. : « Vous avez raison de souligner l’importance de la formation en compétences numériques. Comme d’autres institutions, l’EPHEC bénéficie du Plan de relance numérique qui émane de subventions européennes. Nous envisageons le numérique sous deux angles. D’une part, notre service techno-pédagogique forme les enseignants aux nouveaux outils destinés aux étudiants. D’autre part, dans chacune de nos formations, ces derniers acquièrent des compétences avec les outils numériques utilisés actuellement en entreprise. Il s’agit notamment du recours aux bras robotisés dans le cadre de nos formations techniques ou, plus globalement, de l’utilisation d’outils comme l’intelligence artificielle ou Chat GPT. Dans notre approche pédagogique, nous veillons bien entendu à éduquer les étudiants à une utilisation de ces outils à bon escient et avec une réelle valeur ajoutée. »

B. C. : « Il est vrai que toutes les formations doivent pouvoir bénéficier de compétences numériques. La crise sanitaire a été un gigantesque accélérateur de tendances préexistantes mais peu utilisées jusque-là. Aujourd’hui, le numérique touche pratiquement toutes les tâches dans beaucoup de métiers, que ce soit par exemple une infirmière, une personne active dans le transport ou la logistique, ou encore une aide-ménagère pour l’assignation des chèques et des titres-services électroniques. On sait aussi en outre que si le numérique supprimera à terme certains métiers, il en créera de nouveaux, comme c’est déjà le cas dans le codage. Une initiative comme Digital City à Auderghem répond aux demandes prioritaires de nos entreprises, que ce soit en matière d’intelligence artificielle, de cybersécurité ou de cloud computing. L’an dernier, ce pôle formation-emploi a organisé pas moins de 83 formations différentes dans le digital et en organisera 123 l’an prochain. »

Propos recueillis par Philippe Van Lil

BECI Community 27 juin 2023
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