Les supermarchés sont en crise alors que les prix augmentent … Un paradoxe ?

6 mars 2023 par
BECI Community

Ces dernières semaines, vous avez pu constater que plusieurs grandes chaînes de magasins étaient en difficulté alors que les prix de détail n’ont fait que grimper au cours de la précédente période. Un paradoxe apparent. Où en est la situation dans le secteur du commerce ? J’aimerais vous donner quelques chiffres objectifs.

 

Les prix de détail sont également en hausse dans les pays voisins

Les prix des denrées alimentaires ont connu une forte hausse au cours des derniers mois. C’est le cas non seulement en Belgique, mais aussi dans les pays limitrophes. Cette situation est imputable à la flambée des coûts dans l’ensemble de la chaîne alimentaire. Il ne s’agit pas seulement du prix des matières premières, mais aussi de la hausse du prix du carburant nécessaire pour exploiter la terre et du coût de l’énergie utilisée pour préparer et stocker les aliments.

Les supermarchés concluent souvent des contrats à long terme avec tous leurs fournisseurs, qu’il s’agisse de fournisseurs d’énergie ou de producteurs de produits alimentaires. L’année dernière, ces contrats « fixes » avaient relativement limité les répercussions sur les prix de détail, mais les nouvelles négociations impliquent que les augmentations de prix battent leur plein.

Graphique : Évolution mensuelle du prix à la consommation des produits alimentaires en Belgique et dans les pays voisins (taux de variation à 1 an d’écart)

 

Diminution de la marge à l’avenant…

L’année dernière, le gouvernement lui-même a mandaté une étude pour évaluer la répartition des marges dans la chaîne alimentaire. L’étude s’est terminée fin décembre 2022. Cette analyse a montré que les coûts croissants n’avaient été répercutés sur aucun maillon de la chaîne alimentaire. Mais les pertes sont à constater du côté des supermarchés. Par exemple, le SPF Économie affirme qu’en 2021, les marges des supermarchés sont tombées à un niveau historiquement bas de 1,29 %. Et il s’attend à une nouvelle baisse en 2022.

Graphique: Marge opérationnelle nette du commerce de détail dans les magasins non spécialisés où prédominent les aliments et les stimulants

Après une légère hausse en 2020, les marges des supermarchés ont chuté à nouveau considérablement en 2021. Autrement dit, pour un caddie de 100 euros, un supermarché ne conserve que 1,29 euro de bénéfices réels. Voilà qui nuance fortement l’image du supermarché qui se réserve une part trop importante, comme l’a déclaré un ministre pour illustrer son propos. Ces faibles marges confortent l’image du supermarché en tant que premier choix des consommateurs, qui peuvent toujours compter sur des prix abordables.

Une étude récente de la Banque nationale (Entreprises, prix et marges, Gert Bijnens & Cédric Duprez, janvier 2023) a également indiqué que les supermarchés sont à la traîne et que les marges continuent à baisser en 2022.

 

… Et plusieurs gouvernements prévoient de nouvelles taxes

Malgré de faibles marges, les prix en Belgique sont souvent plus élevés que dans les pays voisins. Nombreux sont donc les particuliers qui franchissent les frontières pour se procurer de l’eau, des boissons rafraîchissantes et d’autres produits moins chers. 1 Belge sur 8 passe déjà chaque mois la frontière pour faire ses courses.

De nombreuses raisons expliquent pourquoi certains produits sont plus chers en Belgique.

  • Coût salarial plus élevé : Pour le secteur du commerce, nous sommes confrontés à un handicap salarial de 27 % par rapport à nos pays voisins. Pour les autres secteurs, il s’agit d’une moyenne de 18 %.
  • Énergie plus chère : par rapport à la France, un détaillant belge a payé l’année dernière 40 % de plus pour un kilowattheure.

De nouvelles taxes et impôts viendront alourdir le préjudice financier subi par le commerce belge :

– Taxe d’emballage : de 350 millions à 410 millions

La taxe fédérale sur les emballages que doit payer le secteur du commerce, par exemple, s’élève à 350 millions par an. Une taxe qui n’apporte rien à l’écologisation des emballages, mais qui augmente fortement le prix de l’eau et des boissons rafraîchissantes. Le gouvernement veut imposer 60 millions de plus sur ce montant.

– Facture des déchets sauvages : + 189 millions

Le gouvernement flamand a annoncé la mise en place d’un système de consigne en 2025, l’option numérique actuellement à l’étude fait l’objet de projets pilotes. Les coûts de ce système s’élèvent à 136 millions d’euro (frais d’investissement exclus) et ceux-ci devront être supportés par les producteurs et les supermarchés. De plus, pour couvrir le coût des déchets sauvages, les trois régions envisagent une note supplémentaire de 189 millions d’euros qui retombera aussi intégralement sur les épaules du secteur. En lus du sac bleu, une initiative du secteur privé (Comeos et Fevia), de 208 millions EUR par an.

– Virage pour la santé : pas d’impact sur la santé du consommateur (mais bien sur les entreprises)

Les pouvoirs publics veulent encourager la consommation de fruits et légumes en abaissant la TVA à 0 %. Une bonne idée sur papier, mais les consommateurs ne se déplacent pas à l’étranger pour acheter des fruits et légumes ; ils les achètent localement. Le financement de cette activité de plusieurs millions se ferait à son tour en augmentant le prix d’autres produits. Alors que, par exemple, les boissons rafraîchissantes et les biscuits sont déjà plus chers aujourd’hui et souvent achetés au-delà de nos frontières.

 

Que proposons-nous ?

Taxer davantage mène à une situation intenable. Nous demandons d’urgence des adaptations.

1. Ne pas augmenter davantage la taxe fédérale sur les emballages de 351 millions d’euros par an. Cette taxe doit être, à terme, plus écoresponsable et directive. Moins il y a de contenu recyclé dans les bouteilles, plus les revenus publics sont élevés. Mais plus le contenu recyclé sera présent dans les années à venir, moins les entreprises devront payer d’impôts. Telle est pour nous la définition d’une véritable taxe verte. Dans le même temps, la taxe fédérale sur les emballages doit disparaître au fur et à mesure de l’introduction de la consigne numérique (et des coûts qu’elle représente).

2. Nous demandons également que toutes les obligations en matière de déchets sauvages et d’emballage au niveau fédéral et régional soient conformes aux normes existantes dans les pays voisins. Il est impensable que les coûts y afférents aux Pays-Bas soient cinq fois inférieurs à ceux estimés ici.

3. Une réforme fiscale radicale est nécessaire, mais ne peut pas être décidée à la va-vite et de manière inconsidérée. Nous sommes évidemment favorables aux adaptations visant à réduire la charge sur le travail, mais la réduction de la TVA sur une catégorie de produits avec, en corollaire, son augmentation sur une autre, n’est peut-être pas la meilleure option et devrait faire l’objet d’une étude préalable rigoureuse.

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BECI Community 6 mars 2023
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