Ne vous crispez pas. Nous n’en sommes pas encore aux règlements de comptes entre générations. Nous sommes bien trop occupés à tenter de faire tenir nos entreprises debout dans un monde où le travail change plus vite que les modes sur TikTok. Mais peut-être est-il temps de poser une question qui dérange un peu : et si le « risque » lié à l’embauche d’un nouveau collaborateur ne se situait plus là où on le croit ?
La question peut étonner mais le rôle de l’employeur consiste aussi à réduire les risques avant d’intégrer un nouveau collaborateur dans son entreprise.
Vulgarisons un peu le contexte...Pendant des décennies, le discours autour du recrutement mettait en avant la jeunesse comme gage de dynamisme et de rentabilité. Synonyme d’agilité numérique dans un monde de plus en plus digitalisé, de mobilité, d’adaptation, de promesse d’avenir long et fructueux. Elle représentait pour les dirigeants une sorte d’assurance tous risques.
Or, le constat s’inverse progressivement. La jeunesse n’est plus forcément synonyme de santé, de disponibilité et de résilience. Quête de sens, fragilité psychologique, difficulté à concilier vie privée et professionnelle : autant de facteurs qui alimentent un absentéisme préoccupant. Les dirigeants, face à ce phénomène, se sentent plus démunis.
Les chiffres en témoignent : selon les données récentes de Securex, les arrêts maladie explosent dans la tranche des 25–34 ans. Entre 2022 et 2024, l’absentéisme de moyen terme (un mois à un an) a bondi de 25 %, et celui de long terme (plus d’un an) de plus de 40 %. Du jamais-vu. La jeunesse, longtemps perçue comme gage de disponibilité et de résistance au stress, révèle aujourd’hui une fragilité accrue : burn-out précoce, quête existentielle, exigence d’équilibre entre vie pro et perso. Pour les managers, c’est parfois un véritable casse-tête.
Dans ce contexte, les seniors apparaissent sous un jour nouveau. Longtemps catalogués « rigides », « coûteux » ou « peu adaptables », ils se révèlent aujourd’hui force tranquille et stabilité précieuse dans un environnement incertain.
Bien sûr, ils ne sont pas à l’abri des aléas de la vie, mais leur expérience leur permet d’entretenir une relation de travail plus stable et résiliente. Leur vécu, les hauts et les bas leur donnent une capacité rare : garder le cap même dans les moments de crise ou d’incertitude. Pour une entreprise, n’est-ce pas là une forme de pragmatisme rentable ?
Le quotidien des managers illustre cette réalité : gérer les absences prolongées, redistribuer les missions, éviter la surcharge des équipes, maintenir la motivation. Dans ce contexte, un senior capable de transmettre son savoir-faire, de stabiliser les processus et de jouer un rôle de « colonne vertébrale » devient un atout compétitif. La loyauté, ressource devenue rare, prend ici une valeur stratégique.
Autrefois implicite, presque naturel, l’engagement semble désormais être une ressource rare. Les jeunes ne le refusent pas mais ils le conditionnent. À l’inverse, les seniors continuent d’associer le travail à la responsabilité et à la continuité. Leur ancrage, loin d’être de la rigidité, s’apparente à une résilience précieuse pour les collectifs de travail.
Dès lors, ne faudrait-il pas faire de l’engagement et de la loyauté – plutôt que de l’âge – un indicateur clé du recrutement ?
Il ne s’agit pas d’opposer une génération à l’autre. Les entreprises ont besoin de toutes les énergies et de la complémentarité des profils. Ensemble, ils forment un équilibre essentiel entre audace et expérience, innovation et fiabilité. Cette alliance intergénérationnelle, souvent sous-estimée, peut devenir un véritable levier de performance collective.
Bien sûr, tous les seniors ne sont pas des piliers de sagesse, pas plus que tous les juniors ne sont des électrons libres en quête de sens. La réalité est bien plus nuancée. L’âge ne définit ni la motivation, ni l’engagement, ni la capacité d’adaptation. Ce qui compte, c’est la posture, la volonté d’apprendre, la curiosité et la manière dont chacun s’inscrit dans un collectif.
Écarter systématiquement les plus âgés, par peur du coût ou du manque d’adaptation, n’est pas seulement contestable éthiquement, c’est aussi un pari risqué stratégiquement.
Alors, dirigeants, soyons prudents et prenons le risque d’engager autrement !
Aurélie Vrebosch – Daoust Outplacement Manager
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