Réforme du chômage : Bruxelles au pied du mur

17 octobre 2025 par
Era Balaj

La réforme fédérale du chômage va priver près de 40.000 Bruxellois·es de leurs allocations entre 2026 et 2027. Une onde de choc qui obligera la Région à revoir ses priorités en matière d’emploi et de formation.

Le compte à rebours est lancé. À partir de janvier 2026, la réforme fédérale du chômage commencera à produire ses effets : limitation stricte des allocations dans le temps et vagues successives de fins de droits. À Bruxelles, cela signifie que des milliers de personnes perdront leur unique filet de sécurité. Un bouleversement social, mais aussi économique, qui interroge sur notre capacité collective à accompagner, former et réinsérer. 

Une réforme qui bouscule Bruxelles

Les chiffres donnent le vertige : plus de 40.000 Bruxellois·es devraient voir leurs allocations s’éteindre d’ici l’été 2027, selon l’ONEM. Sept vagues programmées qui toucheront d’abord les plus ancien·nes chômeur·euses de longue durée, puis progressivement l’ensemble des publics. Pour ces milliers de personnes, ce sera deux ans maximum d’indemnisation pour le chômage complet, un an pour l’allocation d’insertion.

Un tiers d’entre elles·eux devrait se tourner vers les CPAS. Le surcoût pour ces dernier·ères est estimé à 121 millions d’euros, selon les informations relayées par notre partenaire L’Echo. Au-delà des chiffres, une évidence : le risque d’une précarité accrue, avec des répercussions sur la santé, le logement, la cohésion sociale. 

À Bruxelles, la situation est d’autant plus sensible que le chômage de longue durée reste élevé. D’après la fédération des CPAS bruxellois, près de 60 % des demandeurs et demandeuses d’emploi sont faiblement qualifié·es, alors que beaucoup de postes vacants concernent surtout des métiers en pénurie : construction, santé, IT, enseignement, comptabilité. 

Actiris, CPAS, Bruxelles Formation : l’heure de vérité 

Pour les acteurs de terrain, l’adaptation doit être rapide. Actiris, au premier plan, devra revoir ses procédures : accompagner plus tôt, contrôler plus vite, réorienter mieux. Bruxelles Formation planche déjà sur des parcours plus courts, plus modulaires, qui mènent vers des métiers où la demande est forte. « La formation est une solution à l’emploi », insiste sa directrice générale, Laurence Rayane. Mais entre la théorie et la pratique, il y a ce fossé qui décourage : délais trop longs, seuils d’accès trop élevés, manque de passerelles. 

Du côté des CPAS, la crainte est de voir affluer des milliers de nouveaux·elles bénéficiaires. « On est dans une névrose institutionnelle », regrette Pierre Verbeeren, directeur général du CPAS de Bruxelles. Pour lui, une approche « entrepreneuriale » peut éviter l’asphyxie des services. Son constat rejoint celui de nombreux acteurs : l’action ne peut pas être uniquement sociale, elle doit aussi intégrer la logique de réinsertion professionnelle. 

Quand les chercheurs d’emploi décrochent 

Au-delà des structures, il y a le vécu. À l’occasion du Talent Talks organisé chez Beci, plusieurs voix ont rappelé cette dimension humaine. « Beaucoup ne reçoivent même pas de réponse à leurs candidatures », souligne Florence Lepoivre, secrétaire générale de la FGTB Bruxelles. « Comment ne pas se décourager dans ces conditions ? » Elle incite également les employeur·euses à publier leurs offres via Actiris, pour élargir leur visibilité auprès des chercheur·euses d’emploi bruxellois·es. 

Pour les jeunes de 18 à 24 ans, le constat est tout aussi préoccupant. Alice Kwitegetse Mpoyiki, coordinatrice du service Jobcoaching d’Infor Jeunes Bruxelles, évoque un triple obstacle : décrochage scolaire, manque de compétences de base et santé mentale fragile. À cela s’ajoute la complexité administrative, qui transforme chaque démarche en parcours du combattant. Ces témoignages dessinent en creux le risque principal : voir des milliers de personnes glisser hors des radars, sans perspective claire de réinsertion. 

Beci se mobilise 

Face à ce défi, Beci refuse la résignation. Car si la réforme fragilise, elle peut aussi être l’occasion de repenser nos priorités. Bruxelles ne manque pas de talents, mais d’adéquation entre compétences et besoins. L’enjeu est double : éviter que des milliers de personnes ne basculent dans l’exclusion, et donner enfin aux entreprises les profils qu’elles peinent à recruter.

La réforme du chômage est un électrochoc. Elle prive des milliers de Bruxellois·es de leur revenu de remplacement, mais rappelle aussi l’urgence d’un marché du travail plus inclusif, plus lisible, mieux connecté aux besoins des entreprises.

Les deux années à venir seront décisives et tout dépendra de la capacité des acteurs publics, sociaux et économiques à travailler ensemble. Beci, pour sa part, entend y contribuer : en valorisant les métiers en tension, en rapprochant employeur·eures et candidat·es à travers des espaces de dialogues comme les Talent Talks, où syndicats, entreprises, formateur·rices et pouvoirs publics confrontent leurs points de vue. Parce qu’au-delà des chiffres, il s’agit bien de cela : donner une chance à chacun·e de retrouver une place dans le monde du travail. 


Bruxelles a besoin de renforcer les ponts entre chercheurs d’emploi et entreprises. Nos sociétés technologiques sont prêtes à ouvrir leurs portes à de nouveaux profils et à investir dans leurs compétences. Ensemble, Actiris et les employeurs peuvent transformer ce défi en véritable moteur d’inclusion et de croissance.

- Agoria



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