Force majeure médicale : des questions à clarifier

2 avril 2025 par
Beci Community

La force majeure médicale est un mode de rupture du contrat de travail en cas d’incapacité définitive du ou de la salarié·e à exercer sa fonction. Toutefois, elle se doit de respecter un processus strict.

En 2016, ce processus avait été lié au trajet de réintégration. En 2022, la procédure a été durcie afin de dissocier la réintégration de la rupture. Le but avoué était de donner une connotation plus positive au trajet de réintégration tout en évitant les abus.

Ces évolutions rendent la force majeure médicale plus complexe à appliquer, impactant directement la gestion des absences de longue durée en entreprise. Le texte de 2022 pose cependant certaines questions pratiques.

 

Procédure à suivre : rappel des règles dans les grandes lignes


Après 9 mois d’incapacité ininterrompue (sauf reprise de moins de 14 jours), le ou la travailleur·euse et/ou l’employeur·euse peut entamer une procédure de force majeure médicale en adressant un courrier recommandé à l’autre partie, ainsi qu’au médecin du travail.

Au plus tôt 10 jours après la notification reçue, le médecin du travail invite le ou la travailleur·euse pour un examen. Si la personne n’accepte pas l’invitation 3 fois sur une période de 3 mois (avec 14 jours calendrier d’écarts entre deux convocations), la procédure est abandonnée et il faudra attendre 9 nouveaux mois pour la relancer.

Après l’examen, le médecin du travail communique sa constatation aux deux parties dans un écrit recommandé. Le ou la salarié·e dispose de 21 jours calendrier (à partir du lendemain du jour où il ou elle a reçu la décision du médecin du travail) pour introduire une procédure de recours si il ou elle n’est pas d’accord avec la constatation de son inaptitude définitive pour son travail.

Si le travailleur ou la travailleuse en a fait la demande (directement ou dans les 7 jours calendriers qui suivent la décision), l’employeur·euse, conformément aux conditions et modalités déterminées par le conseiller en prévention-médecin du travail, examinera si un travail adapté ou un autre travail est possible dans l’entreprise et, le cas échéant, présentera un plan à sa ou son salarié·e.

Le contrat de travail peut être rompu pour force majeure médicale s’il apparaît qu’il est définitivement impossible pour le ou la travailleur·euse d’effectuer le travail convenu. Cette décision sera basée sur la constatation du médecin du travail (contre laquelle il n’y a plus de recours possible) ou sur le résultat de la procédure de recours. Une des situations suivantes devra également être applicable :

  • Le ou la travailleur·euse n’a pas demandé d’examiner les possibilités relatives à un travail adapté ou à un autre travail ; ou
  • La demande a été faite mais l’employeur·euse ne peut pas offrir un travail adapté ou un autre travail (cela doit faire l’objet d’un rapport motivé transmis à la personne concernée et au conseiller en prévention-médecin du travail) ; ou
  • La demande a été faite mais le travailleur ou la travailleuse a refusé le travail adapté ou l’autre travail proposé par l’employeur·euse.


Quelques questions pratiques


Quid si le ou la travailleur·euse ne se présente pas ou refuse la/les convocations ?


Tant la loi que les travaux préparatoires précisent que la procédure prend alors fin sans suite. Le médecin ne peut pas constater l’impossibilité définitive à effectuer le travail convenu et il convient d’attendre neuf nouveaux mois.

La question qui se pose bien entendu est celle de savoir si ce manque de collaboration peut être reprochée au travailleur ou à la travailleuse. La jurisprudence semble admettre majoritairement que cela peut justifier, le cas échéant, un motif grave dans le cadre du trajet de réintégration. Ceci se base notamment sur l’obligation de collaboration prévue à l’article I.4-78 du Code du bien-être. Cependant la nouvelle procédure pour force majeure médicale ne prévoit plus un tel article. Depuis que cette procédure est décorrélée de celle du trajet de réintégration, il n’est donc plus possible de se référer à cette obligation.

Que faire alors ? Il serait sans doute possible de se baser sur le principe général d’exécution de bonne foi des conventions afin de reprocher à la travailleuse ou au travailleur son comportement. L’employeur·euse pourrait également ériger la non-collaboration à ce processus en manquement disciplinaire au sein de son règlement de travail. L’auteur n’a cependant connaissance d’aucune jurisprudence en la matière sur le sujet et invite dès lors à la plus grande prudence.


Quid du délai de contestation ?


Il arrive fréquemment que, lors du premier examen par le médecin du travail, le travailleur ou la travailleuse ne demande pas à ce que les possibilités d’un travail adapté soient examinées. Il ou elle dispose cependant encore de 7 jours calendrier après la réception de la décision pour  le faire. Cette demande doit être envoyée au moyen d’un envoi recommandé à l’employeur·euse et au médecin du travail. Le médecin réexamine ensuite le dossier et rend une nouvelle décision.  

Mais quid du délai de contestation de 21 jours. Quand prend-t-il fin ?

Interrogé à ce sujet, le SPF a clarifié sa position : Le délai de 21 jours commence à courir le jour de la 1ère décision d’inaptitude définitive. Si le ou la travailleur·euse ne conteste pas son inaptitude définitive et se limite à demander un travail adapté auquel l’employeur·euse ne peut objectivement pas donner suite (attention au respect des conditions), son contrat pourra prendre fin après le délai de recours.

Rappelons que le ou la salarié·e est présumé·e avoir reçu la décision du médecin du travail le 3ème jour ouvrable qui suit son envoi. Précisons également que le délai des 21 jours commence le lendemain du jour (présumé, sauf preuve contraire) de la réception. Attention celui de 7 jours pour introduire la demande d’adaptation commence lui dès le jour de cette réception.


Quid du constat d’inaptitude définitive suite à une autre procédure ?


La réponse à cette question est claire au niveau de la loi même si la lourdeur administrative qui s’en dégage peut sembler inutile ou même incongrue dans certaines situations. Ainsi, si un·e travailleur·euse passe un examen médical de reprise à l’issue duquel le médecin du travail constate une inaptitude définitive, la force majeure médicale ne pourra pas être invoquée et ce même si l’incapacité a dépassé la période de 9 mois. Une procédure spécifique devra alors être entamée, pour peu qu’aucun trajet de réintégration ne soit en cours.


 Christophe Depoorter, Avocat


Beci Community 2 avril 2025
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