Travailleurs et travailleuses de plateforme : focus sur les derniers développements

13 août 2025 par
Beci Community

Le cadre juridique des travailleurs et travailleuses de plateformes évolue rapidement : sécurisation de la nature de la relation de travail, utilisation de l'intelligence artificielle, protection des données, droits collectifs, etc. Les nouveautés se sont enchainées à un rythme accéléré dans ce domaine qui se situe à la frontière entre gestion du travail par l'humain et par l'intelligence artificielle. L'occasion de jeter un coup de projecteur sur ces derniers développements susceptibles d'impacter de nombreux secteurs.

Salarié ou indépendant ?

La question controversée de la nature de la relation de travail des travailleurs et travailleuses de plateforme, dont l'enjeu est celui de la protection offerte par le droit du travail et de la sécurité sociale, a reçu plusieurs réponses décisives, tant de la part du législateur que des cours et tribunaux belges.

Depuis le 1er janvier 2023, dans le sillage des textes européens, la Belgique s'est dotée d'un mécanisme innovant de présomption de travail salarié, propre aux plateformes, basé sur une liste de huit critères. Cette présomption, une fois établie, peut ensuite être renversée par "toute voie de droit", notamment sur la base de quatre critères "généraux" déjà inscrits dans la loi (volonté des parties, liberté d'organisation du temps de travail, liberté d'organisation du travail, possibilité d'un contrôle hiérarchique). 

Du côté de la jurisprudence, les plus récentes décisions concluent à la requalification en relation de travail salariée.  C'est notamment le cas de l'arrêt "Uber" de la Cour du travail de Bruxelles du 26 juin 2025, et de l'arrêt "Deliveroo" de la même Cour du travail du 21 décembre 2023, tous deux sur base de présomptions préexistant à la nouvelle présomption légale pour les plateformes. C'est aussi le cas des décisions "Uber Eats" de la Commission administrative de règlement de la relation de travail du 22 avril 2024, appliquant pour la première fois la nouvelle présomption pour les plateformes.            

Le futur cadre légal

De nouvelles normes visant à une meilleure protection des droits des travailleurs·euses de plateformes entreront prochainement en vigueur. A compter du 1er janvier 2026, les plateformes devront souscrire une assurance obligatoire contre les accidents du travail survenus aux travailleurs·euses indépendant·es qu'elles occupent. Problème : nombre de ces travailleurs·euses n'ont pas conclu de contrat d'indépendant mais évoluent sous le régime de l'économie collaborative – possibilité rendue pourtant incertaine depuis l'arrêt Deliveroo de la Cour du travail de Bruxelles. Ces travailleurs·euses ne seraient donc pas visé·es par cette protection.

Entrée en vigueur au 1er juillet 2024, la loi sur les colis prévoit également une protection accrue pour les livreurs et livreuses de colis postaux, dont une compensation minimale et l'introduction de limites au temps de travail, à compter du 1er juillet 2026. Si Deliveroo et Uber Eats sont expressément visés, ces deux plateformes ont d'emblée contesté que ces nouvelles mesures leur soient applicables.

La Directive européenne "plateforme", adoptée le 24 avril 2024 sous l'impulsion de la présidence belge devrait être transposée pour le 2 décembre 2026 au plus tard. Celle-ci prévoit un arsenal de nouveaux droits pour les travailleurs·euses de plateforme : sécurisation de la nature de la relation de travail, transparence dans l'utilisation d'algorithmes pour la gestion du personnel, limitation du traitement des données personnelles, représentation collective des travailleurs et travailleuses et protection contre le licenciement.

A retenir

Alors que la gestion des ressources humaines au moyen de l'intelligence artificielle gagne du terrain, de nombreux acteurs autres que les plateformes de livraison ou VTC mais utilisant aussi la gestion algorithmique du personnel (intérim, consultance, recrutement, construction, logistique, services postaux, voire HoReCa, etc.) pourraient se retrouver dans le champ d'application de ces nouvelles normes et devront également rester attentifs à ces développements.

Par Johan Collard, Senior Associate - Osborne Clarke



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