De plus en plus de travailleurs et de travailleuses souhaitent poursuivre leur activité professionnelle au-delà de l’âge légal de la pension, que ce soit par choix ou par nécessité. Pour les employeurs, cela pose une question juridique sensible : dans quelles conditions peuvent-ils refuser une telle demande, et plus largement, comment gérer ces situations sans risquer une condamnation pour discrimination fondée sur l’âge ?
Contrairement aux idées reçues, le contrat de travail ne prend pas automatiquement fin lorsque le travailleur ou la travailleuse atteint l’âge légal de la pension.
Bien souvent, la relation de travail s’interrompt à l’âge légal de la pension après la prestation d’un délai de préavis de démission. Toutefois, que se passe-t-il lorsqu’un·e travailleur·euse souhaite continuer à travailler… l’employeur peut-il le licencier en raison de l’atteinte de l’âge de la pension légale ?
L’âge : un critère protégé par la loi
Les travailleurs·euses âgé·es bénéficient, par la loi, d’une double protection :
- Il est interdit de prévoir, conventionnellement, qu’un contrat de travail prendra automatiquement fin à l’âge de la pension ;
- L’âge est un critère protégé dans la loi anti-discrimination de 2007, au même titre que l’état de santé, la religion ou l’origine.
Les juridictions du travail disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer si un licenciement fondé sur l’âge constitue une discrimination :
- Selon certains, l’âge est un critère protégé et il est proscrit de licencier pour ce motif – tout licenciement pour ce motif est susceptible de constituer une discrimination.
Le Tribunal du travail de Liège a ainsi condamné un employeur au paiement de dommages et intérêts équivalent à 6 mois de rémunération car la mention de l’âge et de l’accès à la retraite sur la lettre de licenciement, sur le certificat de chômage C4 et sur plusieurs communications permettent de présumer l’existence d’une discrimination (Trib. trav. Liège, 7 mars 2025, 23/3649/A).
- D’autres admettent qu’il est possible, dans certains cas, de licencier le ou la travailleur·euse en raison de son âge, si le licenciement répond à un objectif légitime, est proportionné et constitue la solution la plus appropriée en vue d’atteindre cet objectif.
Ainsi, la Cour du travail de Bruxelles a considéré qu’il n’est pas discriminatoire de considérer l’atteinte de l’âge légal de la pension comme un moment opportun pour procéder au licenciement d’un·e travailleur·euse, dès lors que cette mesure est appropriée et nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime de promotion de l’emploi des jeunes (C. trav. Bruxelles (ch. nl.), 12 mars 2024, 2022/AB/637).
Quelles sanctions en cas de discrimination ?
Si le juge considère qu’un licenciement est discriminatoire, l’employé·e e travailleur peut obtenir une indemnisation forfaitaire de son préjudice sous la forme de dommages et intérêts équivalant à 26 semaines de rémunération ou correspondant au dommage réel du travailleur ou de la travailleuse, si elle ou il i celui-ci peut (notamment) démontrer l’étendue de celui-ci. Des sanctions pénales peuvent également être prononcées.
Le bon réflexe : la rupture de commun accord
L’âge reste un critère sensible et juridiquement protégé. Pour éviter tout risque de contentieux, l’employeur devra être particulièrement vigilant. Une solution prudente reste la signature d’une convention de rupture du contrat de commun accord, éventuellement assortie d’une indemnité. À défaut, il est recommandé de n’envisager que des licenciements s’appuyant sur des motifs objectifs et étrangers à l’âge.
Par Juliette BAPS & Vincent MARCELLE, Avocat·es MOSAL
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